Chapitre 16: To plank or not to plank Aconcagua. Partie 2
Allez, let’s go!
J’en ai marre d’attendre au camp de base, il faut que je bouge, que je commence à arracher les premiers mètres à l’Aconcagua.
Portage vers Plaza Canada – Camp I -, 4’950m, Jour 8
La mission du jour est de monter des sacs de nourriture ainsi que du matériel personnel du style crampons et doudounes au premier camp d’altitude. Celui-ci s’appelle Plaza Canada et est située à presque 5’000m. Nous nous trouvons enfin sur les flancs de l’Aconcagua! Le premier contact est important. Il ne faut surtout pas déplaire à la bête, aller doucement et ne pas tenter de trop en faire. Les guides marchent au même rythme que lors de l’ascension du Bonete la veille: un pas toute les deux secondes. Cette progression volontairement lente nous exaspère, Pierre et moi. Parfois nous tentons de dépasser le groupe afin de nous défouler, mais on sent bien que les guides désapprouvent cette impatience. Economiser! c’est le maître mot de notre manoeuvre, Economiser notre énergie en vue du Summit day. Ne pas aller trop vite, ne pas se griller inutilement. Parallèlement, on doit faire nos réserves. Les guides insistent aussi pour qu’on boive beaucoup, 4-6litres par jour. Le jour J, ils savent qu’on boira 2 litres maximum, et en se forçant. Si on s’hydrate bien avant, tout cela n’aura pas tellement d’importance.
Du coup, on gravit nos 700 mètres aussi rapidement que 14 escargots le feraient.
La pente est raide mais le chemin fait plein de zig-zags. Le décor est très monotone, cette partie de la montagne est parsemée de petits cailloux qui rappellent le dernier tronçon permettant d’atteindre le sommet de la Haute-Cime dans les Alpes. A mi-parcours, en revanche, se dressent quatre ou cinq pierres dressées de 3-4 mètres de haut: les Piedras Conway. On s’y arrête pour grignoter un truc. Il n’y a pas tellement de vent aujourd’hui, mais j’imagine que quand Eole est de la partie, celles-ci doivent être les bienvenues. J’imagine une quinzaine de marcheurs agglutinés derrière une de ces tours naturelles: je suis bien content « d’avoir le beau »!
Après quelques heures de marche, nous arrivons enfin à Plaza Canada. Caché derrière un petit affleurement rocheux, ce camp surplombe le camp de base de 700m. Bien que certains alpinistes montent directement au camp II, c’est un camp qui peut être très fréquenté. Quand nous arrivons, il n’y a qu’une tente, celle d’Eloi. On se retrouve avec plaisir. Cela fait 2 nuit qu’il est là, et il s’apprête à monter un premier sac à Nido De Còndores le prochain camp à 5’500m. Riche de pleins de barre de céréales, je lui en propose. Un des allemands va même jusqu’à lui donner un de ses sandwichs!
Nos sacs de nourriture déchargés et caché tant bien que mal sous des pierres, nous mangeons notre pic-nique en regardant la colonne des quelques marcheurs qui se rendent à Nido . Le chemin fait une grande traversée, et n’a pas l’air si long, pourtant, à la fin du déjeuner, les types sont toujours là, et ne semble pas avoir bougés. Cette étape future promet d’être longue malgré ses 500m de dénivelés…!
Nos sacs vides, mais nos esprits déjà éparpillés dans les différents camps d’altitudes qui nous attendant, nous regagnons Plaza de Mulas. Hier, le Bonete, aujourd’hui, le camp I, il faut qu’on se repose avant de vraiment partir à l’assaut de la cime!
Plaza de Mulas – Base Camp, 4’300m, Jour 9, rest day nº2
Ces deux jours d’ascension à 5’000m nous on un peu fatigué, pourtant, on a des choses à faire. Visite médicale, préparation du sac pour nos journées en altitude…etc. La température sur la moraine du camp de base est relativement clémente durant la journée, le seul ennemi est le vent glacial qui se met parfois à souffler sans prévenir. Cela fait quand même un moment que l’expédition à commencé, et hormis Pierre, personne n’a tenté de se laver! Certains voyagent avec des lingettes pour bébés, mais bon, rien de mieux que de se passer un peu d’eau sur le corps pour entamer l’ascension sereinement. Les douches chaudes étant hors de prix (20 US$), je me muni d’une bouteille d’eau et me rend au petit lavabo bancal près des toilettes. Par chance, la brise prend une pause au même moment, je me lave donc intégralement en 5 minutes, avec de l’eau fleurtant avec les 3º. Ça fait un bien fou, j’en profite aussi pour laver mes vêtements. Mes doigts sont en profond désaccord avec cette manoeuvre, et il me le font comprendre. De nouvelles coupures apparaissent au bout de mes doigts, de quoi me mettre de mauvaise humeur à chaque pliage de tente! Finalement, seulement Andrew prendra la même initiative et passera à la douche.
Le soir, Rustico, le chef des porteurs vient nous rendre visite dans le Messe. Il se présente, ce sera son équipe qui portera les tentes et les réchauds de camps en camps. Rapides, ils se rendent souvent d’un coup jusqu’au camp III, alors que nous le faisons en 3 jours. Je ne les imaginais pas du tout ainsi, les porteurs. Certains ont des dreads et pourraient tout aussi bien être des habitués de Zélig. Ont le verra par la suite, ils joueront un rôle clé dans le sauvetage de l’un des nôtres. Et hop, un petit peu de suspens pour la suite!
Ce même soir, on apprend aussi du sort de nos collègues de l’expédition précédente. Parti depuis quelques jours dans les camps d’altitude, ils sont restés coincés au camp III par le vent. Celui-ci a cassé 3 tentes, et ils ont du s’abriter dans l’abri Berlìn. Finalement, après de trop nombreuses nuits en altitude, la moitié redescend lors d’une tentative désespérée vers le sommet. Les cinq grimpeurs restants, continuent leur route avec un seul guide. Ils avaient la forme, étaient près du but, quand à 100m du sommet l’une des leurs perd l’équilibre sans arrêt, n’arrive plus à parler et commence à délirer. Il faut lui faire perdre de l’altitude au plus vite, le groupe entier doit donc redescendre. Dommage…
En fin de soirée et pour finir sur une note positive, avec Brent et Josie, nous regardons, un dernier épisode de How I Met Your Mother. Réunis sur le sol de la tente commune, en nous voyant, il est difficile d’imaginer que nous sommes à 4’300m! Nos sacs sont prêts, demain nous quittons le confort du camp de base, en espérant y retourner tous ensemble et triomphant dans moins dans cinq jours…
Plaza Canada – Camp I -, 4’930m, Jour 10
Une nouvelle nuit de sommeil de presque 10h. J’espère que ce ne sera pas la dernière, il paraît qu’on dort mal en altitude. Deuxième remballage de tente après celui de Confluencia, et à 11h on est go. Annette est amusée par nos horaires. Il est vrai que dans les Alpes, quand on part faire une course de montagne, on part très tôt, bien souvent avant le lever du jour. Comme ici, les étapes sont courtes, on peut se permettre de quitter les camps plus tard, et aussi, lorsque le soleil est toujours derrière les montagnes, il fait super froid!
Donc à 11h, nous voilà parti. Plusieurs d’entre nous ont du retard, huit minutes maximum. C’est parfait, pour Mariano, on sert d’exemple, ou de contre-exemple plutôt: « ces 8 minutes, à 6’000m, peuvent faire perdre un ou deux orteils à vos camarades ». Nice!
La montée est exactement la même qu’il y a deux jours. Le temps est toujours aussi clément, et il fait bon. On arrive à Plaza Canada à 15h. Je suis tout faiblard, mais ça n’a rien à voir avec l’altitude, c’est juste que j’ai économisé mes deux sandwichs, et je crève de faim. Pendant que Pierre par à la recherche du meilleur emplacement pour la tente (le moins de pente possible et le sol le plus plat) j’en dévore un. Nous héritons d’une autre tente, une Mountain Hardware. Certes, elle est plus longue, mais nous avons moins de place. Ça nous embête un peu, on essayera de récupérer une North Face aux prochains camps.
Une fois le camp monté, on attend. Les guides ont deux tentes où ils font fondre la neige. A l’écart du camp se trouve une vieille tente, sans double toit et sans tapis de sol. Celle-ci fait office de latrines, Mariano nous fait une visite guidée. Le but du jeu consiste à faire son affaire en visant une feuille de papier journal. Quand le transfert est effectué, on plie la feuille et on la met avec les autres dans le « sac-à-caca » laissé à disposition. Celui-ci est naturellement descendu auprès des gardes du parc.
Il est 16h30, le ciel est menaçant: les nuages arrivent. Gris, énormes, chargés de neige. Ce soir, on va s’en prendre plein la g*****e! A l’abri dans la tente, il nous faut sortir régulièrement, mettre ses chaussures, se couvrir, pour aller chercher de l’eau, aller aux toilettes ou bien chercher notre dîner. Cela demande de l’énergie, et avec l’altitude ce sera vraiment de plus en plus dur. Après 2h de grosse neige, le ciel se calme et laisse apparaître un paysage différent. La montagne est blanche, le soleil se couche: Magnifique!
Nido de Condores – camp II -, 5’555m, jour 11
A peine installés qu’on range déjà tout. Après une nuit à -7ºC dans la tente (-17ºC dehors très certainement), on se met lentement en route pour le camp II. Jusqu’au camp de base, c’est moi qui toussait beaucoup, depuis cette nuit, c’est Pierre qui s’y met, et après une mauvaise nuit, il n’a pas l’air au top…
Ce jour-ci, j’enfile mes sous-vêtements Mountain Hardware. Ils me tiennent bien chaud, près du corps, je les garderais jusqu’au camp de base sans les enlever! Il ne fait pourtant pas trop froid, et la neige a été soufflée en grande partie. La montée vers Condores s’avère être longue, en effet… On arrive une fois de plus à 15h, et j’ai très mal à la tête ainsi qu’une belle nausée. Le montage de tente, sous la neige qui vient de commencer à tomber, est long et fastidieux. C’est comme réviser avec une gueule de bois: c’est très très dur, mais pas impossible. Finalement, quand celle-ci est dressée, bien arrimée aux rochers alentours, je me jette dans mon sac de couchage et dors 2h de suite. La sieste est bénéfique, et je peux sortir quelques minutes profiter de mon environnement. Sur une sorte d’épaulement, le camp de Nido de Còndores est superbe. La vue est magnifique, on peut commencer à voir les montagnes du versant Est. Parmi les 10 autres tentes présentent, j’aperçois celle d’Eloi, elle est vide. J’apprends par deux suisses revenant du sommet qu’il s’y est aussi rendu aujourd’hui. La neige continue à tomber, la visibilité est pourrie, et les guides averti par radio m »apprennent que 3 français ont disparus sur un des versants de l’Aconcagua :-S
Finalement, Eloi rentrera à 2h du matin, après une journée de plus de 20h. Il était en compagnie d’un groupe de Chilien, du coup, pas de problème.
Plaza Colera – camp III-, 5’950m, jour 12
Nous, on va pas faire le grand saut, du camp II au sommet. On fait étape aujourd’hui à un troisième camp, celui de Colera, au dessus de Berlìn, un peu plus connu et fréquenté. Que 400m de monté, on pensait l’affaire pliée avant même de la commencer, mais elle s’avèrera bien difficile. Annette est redescendue ce matin avec Hormiga. Elle a passée la nuit à vomir, elle va nous attendre au camp de base.
Pierre et moi arrivons exténués à ce camp de 6’000m. Le montage de la tente est vraiment TRÈS fastidieux! On peine, je dois m’arrêter de nombreuses fois au milieu de mon mouvement pour reprendre mon souffle, pour laisser le sang s’écouler hors de mon cerveau. La tête lourde, l’estomac au bord des lèvres je m’endors, les chaussures toujours au pied. Pierre n’est pas mieux, mais il a l’air en meilleurs forme qu’hier au même moment. Je suis si mal que je suis à deux doigts de bouder mon souper, c’est pour dire. Mariano et Capy viennent nous osculter et nous briffer tour à tour, et nous rappellent de toujours bien boire. Régulièrement un des guide lance un « William, are you OK? » de la tente voisine. Non, je ne suis pas OK!
Lors de son topo dans notre tente, Mariano nous briffe donc sur ce qui nous attend demain lors du Summit Day, le jour J. 1’000m de dénivelé, lever à 3h du matin pour chercher l’eau du petit déjeuné, départ à 5h30. On va se joindre à un autre groupe de 5 personnes (3 portugais et 2 guides) afin de tracer à tour de rôle les 40cm de neige fraîche. Ces portugais sont en train d’effectuer les 7 summits. Il gravissent donc les points les plus élevés de chaque continent. Mont Elbrouz pour l’Europe, Kilimandjaro pour l’Afrique, Mont Vinson pour l’Antarctique, l’Everest pour l’Asie, Puncak Jaya en Papouasie pour l’Océanie, McKinley pour l’Amérique du Nord et Aconcagua pour l’Amérique du Sud. Ces portuguais en son presque a la fin de leur défi, après avoir escaladés l’Everest sans problèmes, il ne leur manque plus que l’Aconcagua pour achever leur challenge. Espérons que ce soir, on lèvera nos verres ensemble!
Moi en revanche, je me vois mal sortir de mon sac de couchage. Autant dire que pour moi, c’est de la science-fiction que d’entendre parler d’ascension vers le sommet! Pierre à l’air de pas mal en pâtir. A ce que j’entends, les autres aussi sont mal. Moralement, je ne suis pas top non plus, je sais que je vais devoir abandonner, je ne peux vraiment pas aller plus loin dans cet état. espérons juste que la nuit soit réparatrice…
Summit day, jour 13
2h du matin, je me réveille avec un des pires mal de tête de ma vie. Péniblement j’attrappe un Dafalgan. Je met une croix sur le Summit day, je suis vraiment trop mal…
3h10, Capy: « Wake up, water is ready »! J’ouvre les yeux et… le mal de tête n’est plus là! Miracle! Je reste relativement faible, mais la motivation est là, je suis plus décidé que jamais! Allez, je tends mon thermos à Capy, même pas besoin de se lever, il passe dans les rangs. Bon, je déjeune un tout petit peu. J’en ai vraiment marre du Tang, ce jus de fruit qu’on mixe à la neige fondue. Je me fait donc un thermos de café en sachet, mange 2-3 crackers et me prépare. Pierre se réveille à son tour. On est le 7 decembre, c’est son anniversaire! Nous plaisantons un peu. Je lui fait pars que mon rêve maintenant serait d’atteindre le sommet, redescendre en hélico pour me manger un bon steak avec une biere a Mendoza le soir même! Si seulement…
Pas besoin de m’habiller, ça fait 3 jours que je dors « tout-en-un ». Une fois mes chaussures mises, je remarque qu’il n’est seulement 4h00. Je me rendort quelques dizaines de minutes. Bien reposé, toujours motivé, je sors de la tente. Pierre est aussi prêt, tout aussi volontaire, mais il tousse beaucoup. Des ombres s’affairent autour des tentes, l’horizon est clair, derrière les flancs qu’on s’apprête à gravir, le soleil brille déjà. Il fait -22ºC, mais bien habillé, je ne sens pas le froid. Je me sens prêt, à 5h30, c’est le top départ, la caravane s’ébranle.
Très vite, je me rends compte que le rythme n’est plus le même. Fini le pas toutes les 2 secondes, on va plus vite aujourd’hui! Durant la première heure, les corps s’échauffent, se mettent en route, personne ne craque. Mais très vite Josie fait des bruits bizarres, on dirait qu’elle à mal. L’un de nous s’en inquiète: ses mains sont glaciales! La troupe s’arrête et Mariano tente de réchauffer ses mains. Josie est au bord des larmes et on l’entend crier quand le sang se remet a circuler dans tous les tissus: elle s’en tire bien!
Vers 6h, à l’Est, on voit une ombre triangulaire se détacher à l’horizon: l’ombre de la pyramide sommitale! chose étrange que d’ainsi pouvoir contempler notre objectif, en contrebas d’où nous nous trouvons! Malheureusement, en partant du camp, j’ai enfouis mon appareil photo au fond de mon sac et comme je l’ai dit, chaque mouvement est plus difficile, je n’arrive donc pas à trouver le cran pour m’arrêter et me mettre a sa recherche… tant pis, je piquerais les photos des autres!
Peu à peu, je retombe sur terre. Certes, ce matin j’étais gonflé à bloc, mais la montée est longue, fastidieuse, chaque pas est plus lourd que le précédent. L’air commence à manquer, et mon mal de tête revient. Je doit m’arrêter tous les X pas pour reposer les muscles de mes jambes et souffler un peu. Les autres avancent toujours, ils souffrent sûrement, mais j’ai le sentiment d’être le pire de tous. Pierre est loin derrière, il à l’air de souffrir aussi. Après un premier raidillon, enfin au soleil, nous prenons notre première pause. Pierre me sollicite pour l’aider a enlever son sac, je le trouve complètement transformé, il a pris 15 ans d’un coup, mais je suis trop préoccupé par mon sort pour m’en inquiéter. A ma grande surprise, Benedikt (le fils) et Joseph (le père), abandonnent. Pierre aussi redescend, il tousse beaucoup trop. Un de nos guides les escortent au camp III. Nous ne sommes plus que 6 du groupe original ainsi que Capy et Mariano qui font les traces dans la neige.
Après ce qui semble une éternité, nous arrivons au refuge en ruine d’Independencia à 6’380m. Le soleil tape comme pas possible, peu m’importe, je m’allonge et commence à somnoler. Les guides insistent pour qu’on boive et qu’on mange quelque chose. Cela me saoule de faire le moindre mouvement, et je n’en mène vraiment pas large… Mariano, me voyant ainsi, me lance la phrase terrible: « Come on William, eat and drink something. Or do you want to go down? » ……. Tout mon corps dit oui, mais ma bouche émet un « no » à peine audible. Bon, me voilà reparti pour un tour. On se remet en route, avec les crampons cette fois. Dans ma tête, c’est une lutte perpétuelle à laquelle je me livre. Quand je sens que je vais flancher, quand je m’imagine en bas dans mon sac de couchage, je me projette au sommet, j’imagine le bonheur de toucher cette petite croix de rien du tout, la plus haute des Amérique, je me vois serrer la main aux guides et les remercier, je me vois activer ma balise GPS pour avertir les miens de ma réussite. Cela me donne la force de continuer, je ne veux pas abandonner. Ainsi, pas après pas, je reprends de l’aplomb, et quand nous arrivons a Portezuelo del Viento (normalement le point le plus venteux du parcours) et que je vois enfin la Traverse et la Canaleta, je sens que rien ne m’empêchera d’arriver en haut!La vue est magnifique. Aucune montagne autour de nous nous cache l’horizon. Toutes sont plus petites que nous, et on a l’impression d’être dans l’espace. Les conditions météo sont parfaites, même si on voit quelques nuages commencer a se former au loin.
Le problème est que nous avons beaucoup de retard. La neige nous ralentit beaucoup, et nous ne pouvons nous permettre d’arriver au sommet après 15h, il ne faut pas oublier la descente! Les guides nous le répètent sans cesse: « notre boulot ce n’est pas de vous amener au sommet a tout prix, mais de tous vous descendre sain et sauf. »
Avec entrain, nous nous élancons dans cette longue traversée qui nous emmène au pied de la Canaleta. Connue pour être un des passages des plus pénible de cette voie, la Canaleta fait office de dernier obstacle. Un long couloir ou les roches instables n’offrent aucun appui correct aux marcheurs. 4 pas en avant, 1 en arrière. On patine, on n’avance pas, on s’épuise, le tout à plus de 6’500m, voila ce qu’on y fait dans la Canaleta! Tandis que je me sens renaître (ça reste relatif!) Andrew, lui, s’épuise à son tour. La neige arrive, on s’arrête un moment au pied d’une falaise nommée La Cueva a 6’660m. Comme je l’ai dit, nous sommes plus que 6: Brent, Florian et Andy qui semblent toujours avoir la pêche, Josie, Andrew et moi. Je me rappelle de l’histoire de l’autre groupe qui a du faire demi-tour a 100m du sommet car l’un des leurs était en plein delire. Si l’un d’entre nous décide d’arreter, il faudra que je sois sur de pouvoir aller au bout avant de continuer afin de ne pas compromettre les chances de mes autres camarades. En effet, il nous reste que deux guides.
Il est 14h, il est tard, pourtant la pause se prolonge. Mariano passe son temps a parler dans sa radio, mais je n’y prête pas attention. D’un coup, l’air grave, il nous dit.
« I don’t know if you understood what I said on the radio. Pierre est en train de faire un oedème pulmonaire, il a de l’eau dans les poumons, il tousse beaucoup et a du mal a respirer. Il est avec Julian (un autre guide) et ils essayent de descendre. Ils sont trop haut et le temps est trop couvert pour que l’hélicoptère se pose a Nido, ils redescendent au camp de base. Le problème, c’est que dans son état, Pierre peut mourir d’un moment a l’autre… »
Grand silence. La nouvelle est terrible. Je suis littéralement scié, mon moral tout au plus bas. Durant ces 2 semaines, Pierre est devenu plus qu’un simple compagnon de tente. C’est devenu avant tout un copain, un ami d’altitude. Je maudit le 7 decembre, ce jour ou 4 ans plus tôt mon grand-pere est décèdé Je suis envahi par une vague de pessimisme, je n’ai plus du tout le moral, je suis anéanti. Nous discutons de ce que nous devons faire. Capy redescend en courant au camp III ou attentent, seuls et en mauvais état, Benedikt et Joseph. Il faut quelqu’un auprès d’eux, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver. Finalement, nous décidons de tous redescendre, la mort dans l’âme… Il est trop tard pour espérer atteindre le sommet avant 15h, et les conditions se dégradent. Les portugais continuent en revanche, mais ils redescendront 30 minutes plus tard.
Les jambes en compote, inquiets, nous redescendons au camp III. Nous y arrivons à 17h, après 12h de marche. Seul, je regagne ma tente désormais vide…
Plaza de Mulas – Camp de Base -, 4’300m, jour 14
Par radio, on apprend que Pierre est sain et sauf à Mendoza. Cela nous rassure, nous descendons au camp de base avec le sourire. Nous nous réjouissons de retrouver un peu de confort et d’appétit. Quand nous arrivons en fin de journée, Annette nous accueille en pleine forme et nous raconte le sauvetage de Pierre: quand le camp de base à ete averti de son état, une vingtaine de porteurs se sont mis en branle. En dix minutes à peine, ceux-ci s’avançaient à sa rencontre munis d’oxygène et d’un brancard. Vers le camp II, quelques minutes seulement après être parti, ceux-ci arrivaient à son niveau. Installé sur la civière, portée par 10personnes, Pierre est redescendu au camp de base. D’après Annette, tout le camp suivait sa descente. Une fois la procession arrivée, Pierre est dirigé vers l’infirmerie ou il y attend l’hélico. Le soir, il est a Mendoza, en pleine forme. Lors de nos retrouvailles après l’expédition, il me dit avec un sourire qu’après être sorti de l’hôpital vers minuit, il est allé manger un steak et boire une bière avec le médecin. Exactement ce don je rêvais!!! 🙂
Cette dernière soirée au camp de base, la sixième, se passe dans la bonne humeur générale. Capy sort la guitare, les allemands le rhum, le cuisto nous fait des pizzas! On ne se change pas, on reste tels quels, et pour finir, on décide de pousser les tables et de tous dormir dans la tente commune! C’est lors de cette soirée que je réalise que j’ai fait une grave erreur lors du Summit Day. j’étais tellement pas dans mon assiette que je n’ai pas mis de crème solaire. Mon visage est littéralement cramé. La peau est toute craquelée, et mes lèvres violettes, le lendemain elles seront vertes! Avec le temps, des plaques de peaux aussi épaisses que des chips se détacheront de mes joues. Appétissant!
Tout le monde est heureux. Sur les visages, les sourires sont la et nos guides nous avouent qu’ils ont rarement à faire à un groupe aussi soudé, et d’aussi bonne compagnie. Nous avons échoués à 300m du sommet, mais tout le monde est content, tout le monde est heureux d’avoir vécu cette expérience, personne ne fait la gueule!
Maintenant que le plus dur est passé, nous interrogeons un peu nos guides. Font-ils des paris au début de l’expédition sur ceux qui arriveront au sommet et ceux qui ni arriveront pas? Non! En général, c’est imprévisible! Mariano nous raconte qu’il y a 7 ans, un Russe de 135kg a voulu monter au sommet faire une levée de poids. Personne pensait qu’il allait y arriver, surtout quand les gens le voyaient boiter en arrivant a Confluencia! Pourtant, il est bien parvenu au sommet. A l’inverse, il y a peu, un champion d’Iron Man a du abandonner légèrement au dessus du camp III: épuisement!
Nous sommes heureux de redescendre à Mendoza après 2 semaines passées sous tente en altitude. Je rêve de pouvoir enfin manger mon steak! Je serai servi, car en 4 jours, je mange 3 Parilla Libre (grillades a volonté!).
Lors de notre soirée d’adieu, nous faisons la tournée des bars. On commence à minuit au bout de la rue Villanueva et on fini à l’autre bout, a 8h, à manger un petit déjeuner réparateur dans un café. Nous nous disons adieu devant l’auberge que j’ai quitté il y a deux semaines. Peut être un jour nous reverrons nous….
A l’auberge, Campo Base, je retrouve Eloi, mais aussi Donald, l’américain rencontré avant l’expédition. Nous sommes heureux de nous retrouver, ensemble, et pendant 4 jours, nous allons bien nous amuser! Tant pis pour le repos, ça attendra!
Chapitre 9: Le Sahara Occidental à 35km/h!
Nouadhibou, Baie de l’Etoile, J66
Une maison au bord de l’eau, une chambre et un lit avec des draps propres, des plats de poissons pêchés à 100 mètres de là, une chaleur supportable et une compagnie franco-suisse amicale. Pour savoir comment j’ai atterris dans ce semblant de paradis, revenons une semaine en arrière.
Je vous avais laissé à Tan Tan plage, J58. Déjà, c’était top pour commencer ma traversée du désert. Dans cette auberge-camping tenue par Christine une bretonne, j’y ai trouvé l’El Dorado : une bibliothèque remplie de Picsou Magazine ! Le rêve, en cuisinant, en dînant, en me brossant les dents et en petit-déjeunant, j’avale ces bandes-dessinées de Barks et Don Rosa qui ont bercé mon enfance. Difficile de décoller dans ces conditions, mais il faut y aller. La route jusqu’à Lâayoune, la prochaine étape, est longue, plus de 300 km.
Finalement, il est 9h quand je me décide à enfourcher mon cheval en alu pour partir conquérir ces étendues du « Far South ». Ciel couvert, vent de dos, température douce, je ne pouvais pas entamer le Sahara dans de meilleures conditions. Je vole, je surfe sur le bitume, et ce vent du Nord qui souffle sans discontinuer me porte en une petite journée à 135 km de là, au creux des dunes où je plante ma tente. Caché de la route par une petite Barkhane, la tente manque de s’envoler. Enfin, je peux passer du temps à étudier le ciel, magnifique. Je sors le livre que Paris et Catherine ont dédicacé et je pars à la recherche de Véga, de Pégase, du Cygne ou encore du… Scorpion. Heureusement, ce soir il est au dessus de moi, et pas sous mes pieds. Mission accomplie, je les ai tous trouvés, et je peux dormir tranquille, en me réjouissant d’une nouvelle journée dans le désert.
La route entre Tan Tan et Laâyoune, bien que décrite par mon guide Lonely Planet comme étant longue et monotone, m’émerveille. Dunes de sables gigantesques non loin de la route, bulldozers devant de temps à autre déblayer la route ensevelie à la manière de nos chasse-neige lausannois en plein janvier, Océan Atlantique à un jet de pierre à ma droite, cabanes de pêcheurs isolées, etc… Heureusement, je peux compter sur quelques haltes bien méritées, pour manger et me ravitailler en eau. Ainsi, je m’arrête manger une tajine à Tarfaya, petite ville de 5’000 habitants célèbre grâce à Saint-Exupéry. J’en pars à 13h30, Lâayoune se trouvant à plus de 100 km, je ne pense pas y arriver ce soir, mais là, coup de théâtre: vent ultra puissant en plein dans le dos! Je fonce! 35 km/h de moyenne sans efforts, j’arrive à Laâyoune en 3h30.
Sahara Occidental
La bande de terre aride et inhospitalière coincée entre le Maroc et la Mauritanie se nomme Sahara Occidental. Ancienne colonie espagnole, le Sahara fut laissé aux mains des marocains durant les années 70 alors que les armées du Front Polisario tentaient tout et n’importe quoi pour obtenir leur indépendance. Malheureusement pour eux, Hassan II, rêvant d’un Grand Maroc colonisa cette terre dès qu’elle fut désertée par les espagnols. À première vue, on se demande quel est l’intérêt d’occuper ce bout de désert aux apparences si pauvres. Il s’avère que le sous-sol Sahraouis est potentiellement très riche (uranium, phosphate et possiblement beaucoup d’or et de pétrole), et que ses côtes sont extrêmement poissonneuses. De plus, il abrite l’une des rares routes commerciales transsahariennes bitumées reliant le Maghreb à l’Afrique Noire. Bref, les « colons marocains » ne veulent pas lâcher l’affaire, et les sahraouis sont parfois victimes de discriminations, d’arrestations sommaires et de passages à tabac. La population locale est poussée en périphérie des rares villes du désert (Laâyoune compte tout de même 200’000 habitants!) et stockés dans des banlieues allant de l’habitat en briques aux bidonvilles les plus insalubres.
En Europe, j’avais entendu parler de temps en temps de la cause Sahraouis. Il y a quelques années, j’ai vu ces images des soulèvements populaires en plein cœur de la capitale, aussitôt matés par les forces marocaines. Pourtant, je me suis rendu dans ce pays sans trop savoir à quoi m’attendre. C’est vrai que chez nous, on entend plus parler du Kosovo, de la Palestine ou encore du Tibet. Finalement, je me suis très vite retrouvé plongé au cœur du combat que mènent les militants sahraouis pour l’indépendance de leur nation.
L’interview
Il y a plus d’un mois, à Valence, j’ai rencontré Ahmed. Ce jeune sahraoui est parti pour l’Espagne afin d’acquérir les outils, les contacts et les connaissances nécessaires pour mener à bien sa lutte pour l’indépendance. En l’espace des quelques minutes qu’a duré notre discussion, il a réussi à me résumer toute l’histoire de son peuple, il m’a fait part de ses convictions, de ses espérances. En partant, il me laisse ses coordonnées afin que je le contacte en arrivant à Laâyoune. Ainsi, le soir même de mon entrée dans un centre-ville bondé de 4×4 blanches de l’ONU, je vais manger avec lui et son frère dans un snack quelconque. Aussitôt, je me trouve plongé dans l’ambiance. On se croirait dans les films sur la résistance française durant la 2ème guerre mondiale. Ils s’assoient face à la porte, et ne la quittent rarement des yeux. Ils parlent bas, switchant de l’espagnol au français, en regardant si des gens les écoutent. Ils me demandent si je veux rencontrer et interviewer des « victimes des colons marocains ». J’accepte. Ahmed me contactera demain pour me donner plus d’infos. On se sépare, il est 22h30, je les regarde s’éloigner dans la nuit et je me demande si je les reverrais un jour (bon, ok, j’en rajoute).
Le lendemain, pas de nouvelles. Je tue le temps en partant à la découverte de la ville. Le centre est propre et semble plus riche que de nombreuses villes que j’ai traversé jusque là. Mais quelque chose m’interpelle : les gens avec qui je discute sont souvent originaires de Casa, de Rabat, ou d’Agadir. Mais où sont les Sahraouis? La réponse tombe très vite. A 15h30, mon téléphone sonne. Ahmed: « William, dans 3 minutes en bas de l’hôtel, on a une voiture! ». En un rien de temps, je me trouve à débouler dans les rues de Laâyoune en direction de la périphérie en compagnie de 7 autres personnes, serrés comme des sardines dans cette petite voiture. Ahmed me briefe : Je vais rencontrer une dame qui est devenue aveugle après avoir été battue par des policiers marocains. Ils passent chercher MN, jeune étudiante qui servira d’interprète anglais-arabe. A un croisement, Ahmed sort de la voiture en me lançant un « on reste en contact ». Je comprends donc la nécessité d’avoir une interprète, je ne pensais pas le trouver seul, sans Ahmed.
Dans cette voiture pleine d’inconnus, en route pour une direction mystérieuse, je me demande dans quel pétrin je me suis fourré. La voiture s’arrête devant un petit immeuble, et nous, MN, une autre fille et un homme, sortons de la voiture. Nous pénétrons dans l’habitation. Il fait très sombre, la salle dans laquelle nous nous rendons est recouverte de tapis et de petits matelas parsemés de coussins longent les murs. Une dizaine de femmes sont présentes dans cette pièces, certaines battent une pâte avec un fouet, d’autres font du thé : le terme « pièce à vivre » prend ici tout son sens. D’autres femmes, aux visages graves sont réunies autour d’une dame un peu grosse, avachie sur les banquettes, sont regard est vide, il ne suit personne des yeux : Sahna (ndlr : nom fictif), la victime! Tandis que la pièce se vide, mes compagnons et moi sortons le materiel: un spot pour éclairer le sujet, mon appareil photo posé sur mon petit trépied. Une dame s’installe à côté de Sahna, c’est sa soeur. MN et moi prenons place derrière la camera: l’interview peut commencer. Je sens que c’est très important pour tout le monde dans la pièce qu’un étranger fasse passer le message de leur lutte en dehors des frontières, je prend mon rôle de témoin-messager très au sérieux et tache d’avoir l’air le plus professionnel possible.
Malheureusement, je ne comprends pas tout ce qui m’est raconté. Apparemment Sahna se trouvait avec d’autres militants qui manifestaient dans le calme il y a 2 jours. Lorsque les policiers ont débarqués, ils ont passé à tabac tout le monde, sans distinction, hommes, femmes, enfants. Sahna aurai reçu plusieurs coups au visage, jusqu’à en perdre la vue. Ses amis l’ont bien amenée à l’hôpital militaire de la ville, mais quand les médecins ont appris ce qui était arrivé, une militante sahraouis battue par des policiers marocains, ils l’ont mise à la porte, en la traitant de menteuse, et en disant qu’elle fait de la comédie et qu’elle voit parfaitement. Cela fait donc 2 jours que la pauvre Sahna est ainsi livrée à elle-même, ne sachant pas si elle pourra revoir un jour. Son visage grave laisse paraître le découragement et une immense lassitude. J’essaye de trouver des paroles réconfortantes, elles sont vaines. Elle sourit enfin lorsque je pose en photo avec elle et qu’elle lève les deux doigts pour former un V: « Sahara Libre » me dit-elle…
Vers Dakhla
Le lendemain de cette aventure, je reprends la route. 520km jusqu’à Dakhla, autre grande ville du parcours. Le vent est encore de la partie, je pédale comme un fou, m’arrêtant le moins de fois possible pour ainsi profiter un maximum de ce coup de pouce d’Eole. Ainsi, je fais tout en roulant. Je mets en place le système pour écouter de la musique (très important!), je bois, je mange, j’enlève et remets mon t-shirt suivant les envies, je me mets de la crème solaire, je me coupe les ongles, je me filme, prends des photos, j’arrive même à lire en roulant!
Certes le vent me pousse, mais la route est longue et assez monotone. Ca n’entame pas mon moral qui est au plus haut depuis cette entrée dans le désert, mais je dois passer dans un état second pour faire passer le temps. Temps qui défile à une autre vitesse qu’à l’accoutumé. Tantôt, le temps passe lentement, tantôt à l’instar du vent, il file!
Les bornes kilométriques m’y aident. J’ai attrappé la route nationale 1 à la borne 800km. Petit à petit, je les ai toutes remontées jusqu’à 2011. Ainsi, je révise les grandes dates de l’Histoire : 1492, 1515, 1848, 1914…etc, puis arrivent les dates, plus récentes, qui correspondent aux années de naissances de proches, ou de moments clés de ma propre histoire. Je me fais le film de ma vie étape par étape, de kilomètres en kilomètres. Des bornes 1988 à 2001, je pense à mon enfance à Paris, et quand nous allions tous les week-end au Havre. Les moments passés avec mes grands-parents et les cousins, les fêtes de famille et les parties de foot chez mamie à Hermeville. Bornes 1996 et 2001, les basculements avec à la clé le départ pour la Suisse. Une vie à refaire, des marques à prendre: la vie de William, acte 2! Et dès 2000 les évènements plus récents: le collège, le gymnase, l’uni. Avec 2011, je me rappelle des moments de rigolade chez Athléticum avec les collègues, mais aussi les moments de rush lorsqu’arrivait les clients qui voulaient louer les skis. Je me replonge à la Sarraz, quand je travaillais chez Drafil, et que j’éventrais les vieux duvets pour récupérer les plumes et les mettre dans l’épuratrice. Ces souvenirs me font sourire : chaussures de skis et duvets, c’est bien la dernière chose utile dans ces contrées.
Sur ces mêmes bornes est inscrit la distance me séparant de la prochaine ville. Le nom de la ville est aussi écrit en arabe, du coup, je m’entraîne à reconnaître les caractères arabes. J’écoute la musique à fond! Passant des accords des touaregs électriques de Tinariwen à la folk hallucinée des Blacks Rebel, du hard énergique de Metallica aux mélodies envoutantes et calme de Sigur Ros. Je chante à tue-tête avec Renaud et les Ogres de Barback. Je suis fier, il ne pleut pas, c’est que je dois assurer ! En même temps , dans le désert…
J’etabli un nouveau record: 190 km ! La nuit m’empêche d’atteindre les 200 km, mais au barrage de police à l’entrée de la ville de Boujdour, je fais connaissance avec les occupants de la première voiture suisse rencontrée au Maroc : François et Philou. François vit entre Genève et Nouadhibou, il y a une maison (on y reviendra); Philou, de Chamonix, vient passer quelques semaines de vacances chez son pote, il n’en ai pas à son coup d’essai, il connaît bien le secteur.
Nous dormons dans le même hôtel, et François m’invite à passer quelques jours chez lui quand j’arriverai à Nouadhibou.
Deux jours plus tard, j’arrive à Dakhla. Entre temps, j’ai passé une nouvelle nuit dans le désert, dans un endroit somptueux. A 500 m de la route, au bord d’une falaise surplombant à la fois l’océan et une sorte de canyon gigantesque. Au fond, je peux apercevoir des pêcheurs et leur campement. Seul bémol, le vent manque de faire valdinguer une nouvelle fois la tente car le sol interdit tout encrage. Je la fixe donc solidement aux sacoches alourdies par des pierres et au vélo.
Dakhla
La baie de Dakhla est célèbre dans le monde entier. Magnifique, elle offre des spots de kitesurf qui attirent les riders du monde entier. Au loin, on peut voir les voiles se détacher sur l’horizon. Je passe une journée dans la ville de Dakhla, mais je n’y trouve aucun intérêt, à l’exception peut-être du fait que je me retrouve presque au cœur d’une émeute. Me baladant naïvement dans la rue, un type m’accoste et me dit de faire demi-tour en me montrant le bout de la rue, et me dit: « Là-bas, gens très mauvais, violence, tu dois pas aller là-bas, il n’y à rien à voir ». En effet, autour de moi les magasins ont tous fermé, les restos et les snacks aussi. Il est 14 heures, et moi qui voulais manger un truc, me voilà bien. Un snack n’a pas encore complètement fermé, il m’accepte à l’intérieur, et j’avale une tajine dans le noir, entre le frigo et les chaises empilées. Dans ce petit snack, les proprios veulent me cacher on dirait. Finalement, je regagne le camping à l’extérieur de la ville sans avoir aperçu les soi-disant émeutiers. J’apprendrais par la suite qu’il y a eu presque 15 morts, et que ces heurts ont étés provoqués par la défaite de l’équipe de foot locale !
A suivre…