A la découverte du monde à 20km/h…

Chapitre 23: Hanoï, par Benoît

Arrivée

Le flux du trafic se densifie et se resserre comme dans un entonnoir. Pris dans ce flot d’engins motorisés, nous filons droit vers Hanoï. La ville se fait déjà sentir et au loin, à travers la brume et la pollution, nous apercevons quelques buildings. Au premier panneau HA NOI nous nous arrêtons pour prendre une photo et une dernière bière avant d’engager notre entrée modestement triomphale dans la capitale. Les premiers embouteillages apparaissent et voilà la vitesse du trafic qui s’adapte à nos vélos. Dans cette masse grouillante nous devenons euphoriques et ce n’est pas les gaz d’échappement qui nous sont montés à la tête mais le bonheur de slalomer entre les véhicules, de les dépasser ou simplement de se laisser porter par ce courant tels deux électrons libres. Le corps aussi se relâche, il anticipe, sent bien que l’arrivée approche, on se sent léger.

Après quelques exercices d’orientation, nous déboulons devant le mausolée de Ho Chi Minh et pensons qu’il serait de bon ton, pour conclure notre périple, de poser avec nos vélos devant cette figure historique, du moins devant ce qui lui sert de tombe. Mais une fois de plus les Vietnamiens ne pensent pas comme nous, à moins évidemment que se soit nous qui ne pensions pas comme eux, ce qui, dans les deux cas amène inévitablement à l’incompréhension. Bref, il est apparemment absolument interdit d’amener des vélos devant le mausolée, même en marchant à coté, pas de négociation possible, monsieur le militaire est formel. C’est raté pour notre heure de gloire, nous devrons nous contenter de quelque chose de plus modeste. Il ne nous reste alors plus qu’à retrouver mon ami Stéphane qui habite à Hanoï depuis six mois et qui en plus d’être notre hôte sera notre guide pour ces presque deux semaines. Chez lui nous déposons les sacoches, comme des guerriers déposent les armes, le temps d’une petite pause pour William mais pour moi c’est le voyage qui touche à sa fin. Nous sommes arrivés presque une semaine plus tôt que prévu et je suis partagé entre le soulagement d’être arrivé et le regret de n’avoir pas profiter quelques jours de plus du voyage. Mais il est trop facile, après coup, de regretter et c’est pour nous une opportunité de découvrir cette ville qui nous tend les bras depuis notre départ de Bangkok. Après tout la destination fait aussi partie du voyage…

Hanoï

Une nouvelle ville est toujours un défi. Il faut s’y retrouver, placer ses repères pour finalement se dessiner une petite carte dans la tête. On commence toujours par identifier des zones isolées puis il s’agit de mettre des ponts entre ces différents endroits. Les parcs et les lacs sont nos premiers points de repère car les plus évidents. Quant aux rues elles se ressemblent toutes, il faut alors trouver la particularité de chacune. Après deux ou trois jours de vélo/scooter le tour est joué et c’est une autre ville, apprivoisée cette fois, que nous découvrons.

Les premiers jours à Hanoï sont pour nous l’occasion de manger autre chose que des nouilles et du riz. Nos journées sont organisées en fonction des multiples repas que nous ingérons.

Direction le super marché où nous nous faisons plaisir en remplissant notre cadis de cornflakes, sauce tomate, spaghetti, nutella,… avant de nous diriger vers la caisse et de réaliser que nous n’avons certainement pas besoin d’autant de choses. Nous remettons donc les trois quarts dans les rayons heureux d’avoir eu l’abondance à portée de main mais de ne pas y avoir succombé. Bon à savoir, l’effet placebo marche aussi contre la surconsommation.

La ville comporte deux lacs principaux le plus grand, le Ho Tay au nord et le Hoan Kiem à l’est. Le centre ville et la vieille ville s’organise autour de ce dernier, c’est aussi les quartiers touristiques. Au nord, sur la rive est du Hoan Kiem se trouve le quartier des expatriés et toutes les petites échoppes occidentales qui vont avec : boulangeries, traiteurs, brasseries, pizzerias,… Plusieurs fois nous profiterons de la fraîcheur des abords du lac pour y prendre notre café et observer ces étranges silhouettes aux chapeaux coniques balançant de façon comique au rythme de l’eau et faisant étrangement penser à des bouées à la dérive. Il s’agit de Vietnamiens immergés jusqu’à la poitrine et s’adonnant à on-ne-sait -quelle activité de pêche. Hé oui, ce lac de 14km de pourtour n’est profond que de 150cm et donc ils ont pied !

Après trois semaines de vélo c’est aussi l’occasion de tester la conduite deux roues motorisées, mode de transport officiel du Vietnam. Seul, à deux ou à trois sur un scooter nous arpentons les rues satisfaits de pouvoir rendre les klaxons que l’on nous avait donnés jusque là. Il faut bien rendre à oncle Ho ce qui est à oncle Ho. Mais la journée nous utilisons principalement le vélo pour nous déplacer et c’est finalement plus de 150km que nous parcourrons à Hanoï. Pollution mise à part, la conduite est passionnante et ressemble fortement à un jeux vidéo: avec tout ces véhicules qui affluent il faut sans cesse calculer sa trajectoire et savoir s’imposer.

Le soir, grâce à Stéphane nous profitons de la vie d’expatrié et nous nous rendons dans les bars branchés où la plupart de la clientèle est occidentale. Ces bars sont sensés fermer à minuit mais ils se contentent de fermer l’entrée principale et il suffit de rentrer par derrière. De temps en temps la police fait des contrôles pour se faire un peu d’argent de poche puis repart sans histoire. Quelque soit l’établissement il y a toujours un nombre impressionnant de personnel. A peine arrivé on se charge de vous garer votre scooter. A l’entrée il y a évidemment quelqu’un pour vous accueillir et encore quelqu’un d’autre pour contrôler l’arrivée de la police. A l’intérieur enfin,  il est courant d’avoir deux serveurs rien que pour vous. Le retour à la maison est souvent alcoolisé mais les rues sont désertes rendant la conduite plutôt sûre. Par contre, il est fréquent à ces heures que l’air atteigne les 100% d’humidité et c’est à travers une sorte de pluie flottante que nous rentrons le plus souvent. Dans la maison aussi, tout est humide, les miroirs sont couverts de buée et la rampe d’escaliers recouverte d’une fine pellicule d’eau. Avant d’aller se coucher, quelque soit l’heure, nous ne dérogerons jamais au traditionnel repas d’après soirée: spaghetti ou crêpes peu importe mais toujours un bol de cornflakes comme désert.

Baie d’Halong

Avec le temps que nous avions à disposition difficile de trouver une excuse pour ne pas se rendre à la baie d’Halong. De nombreux tours y sont organisés et c’est de loin le moyen le plus simple pour y aller. Nous réservons un peu au pif dans une agence un tour de deux jours avec nuit sur le bateau. Le trajet en bus est mouvementé et le conducteur, pressé par les demandes de halte des voyageurs, ne lâche pas son klaxon pour arriver le plus vite possible au piège à touristes où s’arrêtent tous les bus. Avec William nous vivons cette fois la scène de l’intérieur, après avoir subit pendant trois jours les klaxons incessants de ces bus remplis de touristes qui vous dépassent à toute allure. A destination, il s’agit de ne pas perdre notre groupe de vue dans le fourmillement de touristes. Après une heure d’attente notre bateau est enfin là. C’est une reconstitution en toc d’un bateau traditionnel avec quelques cabines à l’étage inférieur. Une fois embarqué on ne perd plus de temps et la première étape est une grotte sur un des îlot avoisinant. La visite se fait en vitesse et on nous dit même quelles figures il faut imaginer dans telle ou telle formation calcaire. Tour organisé, visite guidée, je veux bien mais qu’on me laisse au moins mon imagination. « D’ailleurs votre dragon là, il ressemble plus à un barbapapa, je sais bien que ça fait moins classe mais faut pas me prendre pour un con. C’est pas en plaçant deux petites lampes sur un caillou pour faire des yeux qu’il va se mettre à cracher du feu. » Bref, la promenade se fait en vitesse, en suivant la colonne de touristes; nous ressortons « through the giftshop » pour regagner notre navire. Sur le mini quai s’amassent les touristes et des dizaines de bateaux semblables tentent de se frayer un passage. Mis à part une petite heure de kayak nous resterons à bord le reste du trajet. Le paysage est magnifique et même si quelques déchets flottent ça et là nous n’y prenons pas garde, nos yeux, déjà, sont rivés sur le soleil qui se fraye un chemin entre les pics rocheux de la baie. Pour la nuit,  nous avons presque le bateau pour nous tout seuls, la plupart des membres du groupe ayant préféré la nuit à l’hôtel. Nous passerons une soirée tranquille en compagnie de Yves, soixantenaire rescapé des belles années où voyage signifiait toujours aventure, rêvant à la simple évocation de la route de la soie ou d’un Katmandou non pollué. Plus tard, William qui a trop regardé Fort Boyard dans son enfance laisse tomber les clés de la chambre dans le fond de la cale. Cette dernière est remplie de déchets et est encombrée d’une immense corde, nous allons vraiment nous amuser! Il nous faudra finalement l’aide d’un membre de l’équipage pour ramener la précieuse clé et éviter de dormir avec la Boule.

Le lendemain, il ne nous reste plus que la matinée pour profiter de cet endroit, qui malgré le tourisme de masse n’en reste pas moins stupéfiant et c’est à travers une brume légère que nous regagnons le port.

The End

Les derniers jours à Hanoï vont passer à toute vitesse: cinq semaines c’est court, surtout à la fin. Après quelques soirées arrosées voilà déjà l’heure des séparations qui sonne. C’est avec un petit pincement au cœur que j’abandonne William. Ce fut un vrai bonheur de voyager ensemble et d’apprendre à se connaître au fil des kilomètres, de pouvoir partager notre passion du voyage et de rêver à des destinations futures. Allez, Will: « Pédale et boucle-le, ton tour du monde »

Si le voyage nous attire tant c’est sans doute que nous avons besoin de ce déplacement constant dans l’espace pour supporter notre marche forcée dans le temps. Faire face à l’idée, sans jamais l’accepter que la fin se moque bien du chemin. Marcher, pédaler, avancer, continuer mettre ce corps en mouvement, ramper s’il le faut mais tenir bon, combattre le temps par l’espace en l’épuisant par nos voyages avant qu’il ne nous épuise. Épuisés, puis en finir. Mais refuser de finir épuisés.

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Une Réponse

  1. corinne hermieu

    Salut William,
    J’ai pris un peu de retard dans ton voyage…mais je vais te rattraper !!!
    Un immense merci pour ta petite carte de la Baie d’Halong, qui m’a beaucoup touchée…incroyable que tu aies eu une pensée pour moi et que tu aies pris le temps de m’écrire, dans des moments aussi magiques…tu es vraiment une belle personne…
    Bon courage pour la suite.
    Bisous
    Corinne

    9 mai 2012 à 11 h 22 min

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