Chapitre 20: Iguaçu, Saõ Paulo, Pain de Sucre et Antoinette: Amérique du Sud suite et fin
Cuzco – Lima – Santiago – Saõ Paulo – Foz do Iguaçu – Puerto Iguaçu, 36h.
L’avion, le bus, le train sont des portes vers d’autres espaces-temps. On entre dans un grand bâtiment plein de gens pressés et portant des grosses valises, on s’assied quelques heures dans un fauteuil plus ou moins confortable, on ressort d’un autre bâtiment presque identique, et là, tout est différent. L’air, les odeurs, les gens, la langue, l’ambiance, les « énergies ». Parfois il faut plusieurs heures d’adaptation, parfois quelques jours, mais il arrive qu’on se trouve en phase avec son environnement dès la première seconde. C’était le cas pour la pluspart de mes destinations sud-américaines, où, contrairement à mon arrivée au Maroc et malgré l’obstacle de la langue, je me suis toujours senti à ma place.
Quand je débarque à Santiago de Lima, il est 2h du matin et mon vol pour Saõ Paulo est dans 5h. Je retrouve mes repères d’il y a 3 mois et m’endors sur un banc. En arrivant à l’aéroport de Saõ Paulo, je retrouve aussi mes repères. Je me rappelle de ces derniers instants passé sur le sol brésilien avec le sourire, mais je ne perds pas de temps, je cours à la gare routière pour tenter de trouver un bus pour Iguaçu. Mission accomplie, je passe 16h dans un bus, de quoi économisé une nuit d’auberge: il n’y a pas de petites économies!
Ainsi, un jour et demi après avoir quitté Paris à la porte d’embarquement 26 de l’aéroport international de Lima, me voilà en plein cœur de l’Amérique du sud, entre Brésil, Paraguay et Argentine.
Antoinette
Vous vous souvenez d’Antoinette? Il s’agit de la demoiselle lausannoise que j’avais retrouvé à Santiago la veille de l’arrivée de Paris. Tous les trois, nous avions partagés quelques moments agréables dans la capitale chilienne. Depuis, nous gardions contact régulièrement, suivant à distance nos voyages respectifs. Elle s’est baladée dans diverses villes argentines après avoir visité le sud du Chili et la Patagonie. Sans plans précis pour mes deux dernières semaines latinos américaines, je pensais me trouver un trek dans les environs de Rio, j’envisageais aussi pousser un peu plus loin pour admirer les chutes d’Iguaçu. Je souhaitais juste trouver une quelconque occupation afin de « remplir » mon temps jusqu’à mon départ pour la Suisse puis pour l’Asie, pensant que le gros de cette partie du voyage était déjà passé. Quand nous nous sommes rendus compte que nous envisagions de nous rendre aux chutes plus ou moins au même moment, nous avons aussitôt convenu de nous y retrouver, afin de profiter de cette merveilles de la nature à deux. Plus d’un mois après des adieux rapides sur un quai de métro de la ligne 1 de Santiago, nous nous retrouvons avec joie. Finalement, ces jours avec Antoinette ne seront pas du bête « remplissage », mais bel et bien un nouvel acte joué dans cette pièce d’une année qu’est mon voyage.
Donc, un mois après que nos routes aient pris des direction différentes, nous revoilà réunis dans une jolie petite auberge argentine. Antoinette, c’est une suissesse. Elle est organisée, ordonnée, et c’est une pro dans l’art de planifier une journée, un voyage. A Iguaçu, elle sait exactement ce qu’il faut voir et visiter, elle connaît les combines pour entrer dans le parc national moins cher et éviter les foules. Cela tombe bien, car de tout ça, je n’en sais rien. Ainsi, c’est aux premières heures du jours que je suis tiré de mon lit pour partir illico presto pour le parc national des chutes d’Iguaçu. Impatient, nous nous hâtons afin d’assister à ce spectacle grandiose de la manière la plus intimiste possible.
Les chutes d’Iguaçu
Sur terre, 3 chutes d’eau (ou ensemble de chutes d’eau) sont remarquable par leur grandeur, leur débit et leur beauté. Les plus célèbres sont certainement celles du Niagara, entre USA et Canada. Les plus longues, les chutes Victoria situées entre la Zambie et le Zimbabwe, forment un rideau continue de plus 1,7 kilomètre et de 110m de haut. Le système de catarates le plus complexe, le plus diversifié, et le plus étendu est celui d’Iguaçu, entre Argentine et Brésil. Dans un paysage plat et peu accidenté, une faille gigantesque balafre la croute terrestre, et coupe la course du Rio Iguaçu, un affluant du Paranà. En résulte un des spectacle les plus impressionnant et des plus violent qu’il est possible d’observer sur terre. Imaginez des millions de litres qui se fracassent sur des roches basaltiques après plus de 80m de chute. Imaginez plus de 270 cascades, toutes différentes de leurs voisines, côte à côte sur 2,5 kilomètre. Imaginez, un vacarme tonitruant et permanent. Imaginez des milliards de gouttelettes en suspension dans l’atmosphère formant des nuages immenses, ces gouttelettes remontant parfois bien au-dessus de leur point de chute originel. Imaginez une Forêt Atlantique comme on n’en voit de moins en moins, peuplée de singes, de coatis et de papillons multicolores.
Avant ce jour, je n’arrivais pas à m’imaginer cela. J’avais vu des photos, écouté des gens en parler, lu des récits, mais ce genre d’endroits, il faut y aller, car ce sont des lieux que l’on sent, que l’on vit. Nous passons les portes du parc, prenons un petit train, allons directement au fond du parc, empruntons une passerelle qui surplombe des eaux en apparences calmes. Plus nous avançons, plus cette eau s’agite, accélère sa course, et finalement disparaît dans le vide: ça y est, nous sommes au-dessus de la Garganta del Diablo, la chute la plus imposante du site. Perchés sur la plateforme surplombant ce U gigantesque, et peu à peu mouillés par les embruns, nous restons de longues minutes à contempler cette démonstration de force de la nature. Lentement, nous sortons de notre torpeur, et décidons de nous diriger vers les autres points de vus, éparpillés dans tout le site.
Pendant trois jours, nous allons sillonner les sentiers des parcs nationaux argentins et brésiliens. Le premier jour, nous les découvrons sous le soleil, parfois après s’être frayé un passage entre les quelques 16 000 autres visiteurs du jour. Le deuxième, il pleut, mais c’est encore mieux. Comme pour DisneyLand, il n’y a personne quand il ne fait pas beau, et nous pouvons ainsi retourner et profiter à notre guise des spots que nous avons préférés la veille. On saisit aussi l’occasion d’aller nous baigner sous une »petite » cascade de 20m en marge des principaux points d’intérêts. Finalement, le troisième jour, nous faisons le grand saut, et passons au Brésil, pour contempler une vue plus générale du site, et plus célèbre aussi, car c’est de ce côté qu’on était jouée les scènes de certains films tels qu’OSS 117.
Après trois jours passés dans ce cadre hors du commun, nous reprenons un bus de nuit pour Saõ Paulo. Antoinette vient elle aussi, nous prévoyons de passer ensemble quelques jours à Rio.
Back in Rio
20h de bus pour arriver à Saõ Paulo. On est glauque, le bus n’était pas confortable, et quand nous arrivons à SP vers midi, il pleut, le ciel est gris, et les gens tirent la gueule. Nous aussi. Après 3 visites à SP, j’ai décrété que cette ville, je ne l’aime pas. Antoinette est plus optimiste que moi, elle est sûr qu’elle arrivera a trouver un charme à cette mégapole surpolluée. » Tu verras, ce suis sûr que c’est une jolie ville au fond! » Mais non! Pour commencer à aimer cette ville, il ne faut en tout cas pas venir un dimanche: ivrognes étalés partout, sans abris agressifs et prieurs ambulants remplissent les rues désertes que nous visitons. Orage, pluie sans fin, rues fantômes, nous essayons de tuer le temps tant bien que mal en attendant de prendre un bus pour Rio, à minuit. Finalement, la délivrance arrive, 23h55, nous embarquons, demain, à l’heure où blanchie la campagne, nous serons dans « la plus belle ville d’Amérique du Sud »: Rio.
Comme vous pouvez le constater dans mes écris, j’aime bien Rio. Peut-être est-ce le fait d’être logé chez Ricardo, un ami à mes parents, et ainsi de pouvoir découvrir cette ville de l’intérieur, peut-être c’est du cadre qui m’envoute. Cette ville est réellement unique. Monts et forêts sont présents jusqu’au cœur de la ville. les différents quartiers, Copacabana, Ipanema, Jardìn Botanico, Barra, sont séparés des uns des autres par des obstacles naturels qui leur confèrent à tous des caractères uniques. En plein Rio se trouve aussi le parc de Tijuca, gigantesque. Ce parc propose d’innombrables trails, et permet de rejoindre les sommets de nombreuses montagnes allant jusqu’à 1000m. Combiner en une journée trek et bronzette à la plage, c’est top non?
Du coup, je suis particulièrement impatient de partager mon enthousiasme avec Antoinette. Je pars du principe qu’il ne faut pas commencer un séjour sans rendre visite au Pain de Sucre. Il y a trois mois, j’avais passé 4 de mes journées sur ce rocher de 400m. Fier d’y avoir trouvé un sentier menant au sommet, j’y avais emmené Ricardo, puis Carla. En ces temps, jamais je n’ai réussit à compléter l’ascension du rocher en entier, car l’escalade de celui-ci s’avère ardue à mi-hauteur. Un pas de 4-5m seulement, mais très exposé (moindre prise qui lâche, et c’est la chute assurée sur plusieurs dizaines de mètres), me forçait à chaque fois à faire demie-tour. Cette fois-ci, nous sommes au taquet, et le passage critique, nous le passons. Bon, on est arrivé en haut tout tremblant et couvert de sueurs froides, mais ça personne ne le sait!
Les autres jours, nous les passons à marcher (Pico da Tijuca, Pedra da Gaveo: nous faisons tous les sommets importants de Rio) et à manger. Antoinette est l’une des rares personnes que je connaisses qui mange plus que moi au quotidien. En dix jour, elle deviendra une « Food-Friend » telle que j’en ai jamais eu! Nos deux semaines de voyage communes nous laisseront le temps de déguster de nombreux plats et boissons locales. Mon estomac en redemande!
6 mois de voyage
Peu à peu les jours passes, la liste des choses à faire diminue, mes affaires s’emballent, mon vélo se démembre, et mon regard se porte de plus en plus souvent vers l’océan, vers l’Est.
23 Janvier 2012, je quitte l’Amérique du Sud. Après 6 mois sur la route, c’est l’heure des comptes. Cette partie du voyage aura été pour moi complétement en marge de mes projets initiaux, mais tellement riche! Peut-être que le vélo est resté dans le placard, mais l’aventure, elle, était bien au rendez-vous. Expédition à l’Aconcagua, auto-stop avec Paris, île de rêve avec Carla, paysages irréels en Bolivie, chutes d’Iguaçu avec Antoinette: tout était génial, unique, et je ne me suis pas ennuyé un moment Durant trois mois, j’ai pu annihiler le sentiment de solitude qui m’avait paralysé ,lors de ces premières semaines en Afrique. Grâce à ces amis et amies qui ont fait un bout de chemin en ma compagnie, j’ai pu ajouter une dimension affective et humaine à ce voyage et apprendre à partager ces moments privilégiés et uniques qui jalonne une existence nomade.
Grâce à ces 3 mois d’improvisation, je vois mon trip sous un nouvel angle. Je réalise qu’en modifiant tous mes plans de la partie « Amérique », j’ai pris les dessus sur mon voyage. Ainsi, j’ai pu me libérer des chaînes que je m’étais forgé pendant toutes ces années passées à imaginer, à fantasmer, et à mettre sur pied ce « voyage de rêve ». Certains pourraient regretter que je ne me sois pas tenu à mes objectifs de base, que je n’ai pas gardé mon cul sur la selle en permanence. Je les comprends, il y un an, j’aurai sûrement vu les choses d’un point de vue ne correspondant pas à la réalité du terrain. Néanmoins, maintenant je me sens libre, j’ai cassé ces chaînes, je peux laisser vivre et évoluer ce voyage à sa guise. Si ma route change de nouveau de cap, si mes roues me mènent en Sibérie, au Japon, ou se reposent des mois durant dans une cahute népalaise pendant que mes pieds prennent le relais, je suivrai ce nouveau cap sans hésitation ni remords.
« Et maintenant? »
Il y a quelques jours j’ai décollé de Rio, non pas en direction de l’Ouest, mais de l’Est. En ce moment, j’effectue une escale en Suisse pour réorganiser mes sacoches, faire le plein de bonne chose et descendre quelques pistes. Si vous lisez ceci après le 5 février, je serai déjà repartit pour l’Asie du Sud-Est. Avec Benoît, un collègue cycliste, nous allons rallier sur nos deux roues Bangkok à Hanoï en passant par le Laos du Nord. Benoît rentrera en Suisse depuis la capitale vietnamienne, tandis que je tenterai d’acquérir au moins un Visa chinois pour entreprendre une traversée hasardeuse du Tibet. Si je n’arrive pas à franchir ces étapes administratives en un temps raisonnable, je remonterai sur mon vélo sans nom, et resterai à l’écoute de mes roues qui me diront où aller…
Bonjour,
Votre récit est passionnant, c’est comme si nous étions sur place et avons vécu ces aventures magnifiques avec toi. Bon courage pour la suite.
Margot T.
3 décembre 2013 à 7 h 07 min
Es un viaje muy largo para llevarlo todo planificado,me alegro que los cambios hayan sido para bien y esto ayude a sentirte mas agusto contigo mismo, suerte en tu proxima aventura por Asia
11 février 2012 à 20 h 16 min
William,
Ton récit est magnifique! On a du mal à imaginer que tu puisses vivre autant de choses en si peu de temps. Et en même temps, déjà 6 mois!
Profites bien de ta famille pendant ces quelques jours, et retrouve nous très vite devant la suite de ton « roman » qui nous passionnent tous!!!
Gros bisous Carina
29 janvier 2012 à 21 h 08 min
Bonjour William,
Merci beaucoup pour ta carte postale qui nous a fait très plaisir. Comment fais-tu pour avoir une pensée pour nous au milieu de ton aventure aussi grandiose ??? tes post me font voyager inlassablement, j’attends la suite sur l’autre face du monde avec impatience !!! ton séjour familial doit être riche en émotions, profite-bien et recharge bien les batteries…un petit bonjour à toute la famille et à bientôt pour de nouvelles aventures…
bises de nous 5. Corinne
29 janvier 2012 à 11 h 09 min
Salut William, déjà 6 mois! Bravo pour cette première épopée et merci de nous avoir fait vivre ton aventure. Attendons la suite! Bonjour à ta famille en Suisse et si tu passes par Francfort, fais-moi signe!
Luc.
29 janvier 2012 à 9 h 00 min