Chapitre 16: To plank or not to plank Aconcagua. Partie 2
Allez, let’s go!
J’en ai marre d’attendre au camp de base, il faut que je bouge, que je commence à arracher les premiers mètres à l’Aconcagua.
Portage vers Plaza Canada – Camp I -, 4’950m, Jour 8
La mission du jour est de monter des sacs de nourriture ainsi que du matériel personnel du style crampons et doudounes au premier camp d’altitude. Celui-ci s’appelle Plaza Canada et est située à presque 5’000m. Nous nous trouvons enfin sur les flancs de l’Aconcagua! Le premier contact est important. Il ne faut surtout pas déplaire à la bête, aller doucement et ne pas tenter de trop en faire. Les guides marchent au même rythme que lors de l’ascension du Bonete la veille: un pas toute les deux secondes. Cette progression volontairement lente nous exaspère, Pierre et moi. Parfois nous tentons de dépasser le groupe afin de nous défouler, mais on sent bien que les guides désapprouvent cette impatience. Economiser! c’est le maître mot de notre manoeuvre, Economiser notre énergie en vue du Summit day. Ne pas aller trop vite, ne pas se griller inutilement. Parallèlement, on doit faire nos réserves. Les guides insistent aussi pour qu’on boive beaucoup, 4-6litres par jour. Le jour J, ils savent qu’on boira 2 litres maximum, et en se forçant. Si on s’hydrate bien avant, tout cela n’aura pas tellement d’importance.
Du coup, on gravit nos 700 mètres aussi rapidement que 14 escargots le feraient.
La pente est raide mais le chemin fait plein de zig-zags. Le décor est très monotone, cette partie de la montagne est parsemée de petits cailloux qui rappellent le dernier tronçon permettant d’atteindre le sommet de la Haute-Cime dans les Alpes. A mi-parcours, en revanche, se dressent quatre ou cinq pierres dressées de 3-4 mètres de haut: les Piedras Conway. On s’y arrête pour grignoter un truc. Il n’y a pas tellement de vent aujourd’hui, mais j’imagine que quand Eole est de la partie, celles-ci doivent être les bienvenues. J’imagine une quinzaine de marcheurs agglutinés derrière une de ces tours naturelles: je suis bien content « d’avoir le beau »!
Après quelques heures de marche, nous arrivons enfin à Plaza Canada. Caché derrière un petit affleurement rocheux, ce camp surplombe le camp de base de 700m. Bien que certains alpinistes montent directement au camp II, c’est un camp qui peut être très fréquenté. Quand nous arrivons, il n’y a qu’une tente, celle d’Eloi. On se retrouve avec plaisir. Cela fait 2 nuit qu’il est là, et il s’apprête à monter un premier sac à Nido De Còndores le prochain camp à 5’500m. Riche de pleins de barre de céréales, je lui en propose. Un des allemands va même jusqu’à lui donner un de ses sandwichs!
Nos sacs de nourriture déchargés et caché tant bien que mal sous des pierres, nous mangeons notre pic-nique en regardant la colonne des quelques marcheurs qui se rendent à Nido . Le chemin fait une grande traversée, et n’a pas l’air si long, pourtant, à la fin du déjeuner, les types sont toujours là, et ne semble pas avoir bougés. Cette étape future promet d’être longue malgré ses 500m de dénivelés…!
Nos sacs vides, mais nos esprits déjà éparpillés dans les différents camps d’altitudes qui nous attendant, nous regagnons Plaza de Mulas. Hier, le Bonete, aujourd’hui, le camp I, il faut qu’on se repose avant de vraiment partir à l’assaut de la cime!
Plaza de Mulas – Base Camp, 4’300m, Jour 9, rest day nº2
Ces deux jours d’ascension à 5’000m nous on un peu fatigué, pourtant, on a des choses à faire. Visite médicale, préparation du sac pour nos journées en altitude…etc. La température sur la moraine du camp de base est relativement clémente durant la journée, le seul ennemi est le vent glacial qui se met parfois à souffler sans prévenir. Cela fait quand même un moment que l’expédition à commencé, et hormis Pierre, personne n’a tenté de se laver! Certains voyagent avec des lingettes pour bébés, mais bon, rien de mieux que de se passer un peu d’eau sur le corps pour entamer l’ascension sereinement. Les douches chaudes étant hors de prix (20 US$), je me muni d’une bouteille d’eau et me rend au petit lavabo bancal près des toilettes. Par chance, la brise prend une pause au même moment, je me lave donc intégralement en 5 minutes, avec de l’eau fleurtant avec les 3º. Ça fait un bien fou, j’en profite aussi pour laver mes vêtements. Mes doigts sont en profond désaccord avec cette manoeuvre, et il me le font comprendre. De nouvelles coupures apparaissent au bout de mes doigts, de quoi me mettre de mauvaise humeur à chaque pliage de tente! Finalement, seulement Andrew prendra la même initiative et passera à la douche.
Le soir, Rustico, le chef des porteurs vient nous rendre visite dans le Messe. Il se présente, ce sera son équipe qui portera les tentes et les réchauds de camps en camps. Rapides, ils se rendent souvent d’un coup jusqu’au camp III, alors que nous le faisons en 3 jours. Je ne les imaginais pas du tout ainsi, les porteurs. Certains ont des dreads et pourraient tout aussi bien être des habitués de Zélig. Ont le verra par la suite, ils joueront un rôle clé dans le sauvetage de l’un des nôtres. Et hop, un petit peu de suspens pour la suite!
Ce même soir, on apprend aussi du sort de nos collègues de l’expédition précédente. Parti depuis quelques jours dans les camps d’altitude, ils sont restés coincés au camp III par le vent. Celui-ci a cassé 3 tentes, et ils ont du s’abriter dans l’abri Berlìn. Finalement, après de trop nombreuses nuits en altitude, la moitié redescend lors d’une tentative désespérée vers le sommet. Les cinq grimpeurs restants, continuent leur route avec un seul guide. Ils avaient la forme, étaient près du but, quand à 100m du sommet l’une des leurs perd l’équilibre sans arrêt, n’arrive plus à parler et commence à délirer. Il faut lui faire perdre de l’altitude au plus vite, le groupe entier doit donc redescendre. Dommage…
En fin de soirée et pour finir sur une note positive, avec Brent et Josie, nous regardons, un dernier épisode de How I Met Your Mother. Réunis sur le sol de la tente commune, en nous voyant, il est difficile d’imaginer que nous sommes à 4’300m! Nos sacs sont prêts, demain nous quittons le confort du camp de base, en espérant y retourner tous ensemble et triomphant dans moins dans cinq jours…
Plaza Canada – Camp I -, 4’930m, Jour 10
Une nouvelle nuit de sommeil de presque 10h. J’espère que ce ne sera pas la dernière, il paraît qu’on dort mal en altitude. Deuxième remballage de tente après celui de Confluencia, et à 11h on est go. Annette est amusée par nos horaires. Il est vrai que dans les Alpes, quand on part faire une course de montagne, on part très tôt, bien souvent avant le lever du jour. Comme ici, les étapes sont courtes, on peut se permettre de quitter les camps plus tard, et aussi, lorsque le soleil est toujours derrière les montagnes, il fait super froid!
Donc à 11h, nous voilà parti. Plusieurs d’entre nous ont du retard, huit minutes maximum. C’est parfait, pour Mariano, on sert d’exemple, ou de contre-exemple plutôt: « ces 8 minutes, à 6’000m, peuvent faire perdre un ou deux orteils à vos camarades ». Nice!
La montée est exactement la même qu’il y a deux jours. Le temps est toujours aussi clément, et il fait bon. On arrive à Plaza Canada à 15h. Je suis tout faiblard, mais ça n’a rien à voir avec l’altitude, c’est juste que j’ai économisé mes deux sandwichs, et je crève de faim. Pendant que Pierre par à la recherche du meilleur emplacement pour la tente (le moins de pente possible et le sol le plus plat) j’en dévore un. Nous héritons d’une autre tente, une Mountain Hardware. Certes, elle est plus longue, mais nous avons moins de place. Ça nous embête un peu, on essayera de récupérer une North Face aux prochains camps.
Une fois le camp monté, on attend. Les guides ont deux tentes où ils font fondre la neige. A l’écart du camp se trouve une vieille tente, sans double toit et sans tapis de sol. Celle-ci fait office de latrines, Mariano nous fait une visite guidée. Le but du jeu consiste à faire son affaire en visant une feuille de papier journal. Quand le transfert est effectué, on plie la feuille et on la met avec les autres dans le « sac-à-caca » laissé à disposition. Celui-ci est naturellement descendu auprès des gardes du parc.
Il est 16h30, le ciel est menaçant: les nuages arrivent. Gris, énormes, chargés de neige. Ce soir, on va s’en prendre plein la g*****e! A l’abri dans la tente, il nous faut sortir régulièrement, mettre ses chaussures, se couvrir, pour aller chercher de l’eau, aller aux toilettes ou bien chercher notre dîner. Cela demande de l’énergie, et avec l’altitude ce sera vraiment de plus en plus dur. Après 2h de grosse neige, le ciel se calme et laisse apparaître un paysage différent. La montagne est blanche, le soleil se couche: Magnifique!
Nido de Condores – camp II -, 5’555m, jour 11
A peine installés qu’on range déjà tout. Après une nuit à -7ºC dans la tente (-17ºC dehors très certainement), on se met lentement en route pour le camp II. Jusqu’au camp de base, c’est moi qui toussait beaucoup, depuis cette nuit, c’est Pierre qui s’y met, et après une mauvaise nuit, il n’a pas l’air au top…
Ce jour-ci, j’enfile mes sous-vêtements Mountain Hardware. Ils me tiennent bien chaud, près du corps, je les garderais jusqu’au camp de base sans les enlever! Il ne fait pourtant pas trop froid, et la neige a été soufflée en grande partie. La montée vers Condores s’avère être longue, en effet… On arrive une fois de plus à 15h, et j’ai très mal à la tête ainsi qu’une belle nausée. Le montage de tente, sous la neige qui vient de commencer à tomber, est long et fastidieux. C’est comme réviser avec une gueule de bois: c’est très très dur, mais pas impossible. Finalement, quand celle-ci est dressée, bien arrimée aux rochers alentours, je me jette dans mon sac de couchage et dors 2h de suite. La sieste est bénéfique, et je peux sortir quelques minutes profiter de mon environnement. Sur une sorte d’épaulement, le camp de Nido de Còndores est superbe. La vue est magnifique, on peut commencer à voir les montagnes du versant Est. Parmi les 10 autres tentes présentent, j’aperçois celle d’Eloi, elle est vide. J’apprends par deux suisses revenant du sommet qu’il s’y est aussi rendu aujourd’hui. La neige continue à tomber, la visibilité est pourrie, et les guides averti par radio m »apprennent que 3 français ont disparus sur un des versants de l’Aconcagua :-S
Finalement, Eloi rentrera à 2h du matin, après une journée de plus de 20h. Il était en compagnie d’un groupe de Chilien, du coup, pas de problème.
Plaza Colera – camp III-, 5’950m, jour 12
Nous, on va pas faire le grand saut, du camp II au sommet. On fait étape aujourd’hui à un troisième camp, celui de Colera, au dessus de Berlìn, un peu plus connu et fréquenté. Que 400m de monté, on pensait l’affaire pliée avant même de la commencer, mais elle s’avèrera bien difficile. Annette est redescendue ce matin avec Hormiga. Elle a passée la nuit à vomir, elle va nous attendre au camp de base.
Pierre et moi arrivons exténués à ce camp de 6’000m. Le montage de la tente est vraiment TRÈS fastidieux! On peine, je dois m’arrêter de nombreuses fois au milieu de mon mouvement pour reprendre mon souffle, pour laisser le sang s’écouler hors de mon cerveau. La tête lourde, l’estomac au bord des lèvres je m’endors, les chaussures toujours au pied. Pierre n’est pas mieux, mais il a l’air en meilleurs forme qu’hier au même moment. Je suis si mal que je suis à deux doigts de bouder mon souper, c’est pour dire. Mariano et Capy viennent nous osculter et nous briffer tour à tour, et nous rappellent de toujours bien boire. Régulièrement un des guide lance un « William, are you OK? » de la tente voisine. Non, je ne suis pas OK!
Lors de son topo dans notre tente, Mariano nous briffe donc sur ce qui nous attend demain lors du Summit Day, le jour J. 1’000m de dénivelé, lever à 3h du matin pour chercher l’eau du petit déjeuné, départ à 5h30. On va se joindre à un autre groupe de 5 personnes (3 portugais et 2 guides) afin de tracer à tour de rôle les 40cm de neige fraîche. Ces portugais sont en train d’effectuer les 7 summits. Il gravissent donc les points les plus élevés de chaque continent. Mont Elbrouz pour l’Europe, Kilimandjaro pour l’Afrique, Mont Vinson pour l’Antarctique, l’Everest pour l’Asie, Puncak Jaya en Papouasie pour l’Océanie, McKinley pour l’Amérique du Nord et Aconcagua pour l’Amérique du Sud. Ces portuguais en son presque a la fin de leur défi, après avoir escaladés l’Everest sans problèmes, il ne leur manque plus que l’Aconcagua pour achever leur challenge. Espérons que ce soir, on lèvera nos verres ensemble!
Moi en revanche, je me vois mal sortir de mon sac de couchage. Autant dire que pour moi, c’est de la science-fiction que d’entendre parler d’ascension vers le sommet! Pierre à l’air de pas mal en pâtir. A ce que j’entends, les autres aussi sont mal. Moralement, je ne suis pas top non plus, je sais que je vais devoir abandonner, je ne peux vraiment pas aller plus loin dans cet état. espérons juste que la nuit soit réparatrice…
Summit day, jour 13
2h du matin, je me réveille avec un des pires mal de tête de ma vie. Péniblement j’attrappe un Dafalgan. Je met une croix sur le Summit day, je suis vraiment trop mal…
3h10, Capy: « Wake up, water is ready »! J’ouvre les yeux et… le mal de tête n’est plus là! Miracle! Je reste relativement faible, mais la motivation est là, je suis plus décidé que jamais! Allez, je tends mon thermos à Capy, même pas besoin de se lever, il passe dans les rangs. Bon, je déjeune un tout petit peu. J’en ai vraiment marre du Tang, ce jus de fruit qu’on mixe à la neige fondue. Je me fait donc un thermos de café en sachet, mange 2-3 crackers et me prépare. Pierre se réveille à son tour. On est le 7 decembre, c’est son anniversaire! Nous plaisantons un peu. Je lui fait pars que mon rêve maintenant serait d’atteindre le sommet, redescendre en hélico pour me manger un bon steak avec une biere a Mendoza le soir même! Si seulement…
Pas besoin de m’habiller, ça fait 3 jours que je dors « tout-en-un ». Une fois mes chaussures mises, je remarque qu’il n’est seulement 4h00. Je me rendort quelques dizaines de minutes. Bien reposé, toujours motivé, je sors de la tente. Pierre est aussi prêt, tout aussi volontaire, mais il tousse beaucoup. Des ombres s’affairent autour des tentes, l’horizon est clair, derrière les flancs qu’on s’apprête à gravir, le soleil brille déjà. Il fait -22ºC, mais bien habillé, je ne sens pas le froid. Je me sens prêt, à 5h30, c’est le top départ, la caravane s’ébranle.
Très vite, je me rends compte que le rythme n’est plus le même. Fini le pas toutes les 2 secondes, on va plus vite aujourd’hui! Durant la première heure, les corps s’échauffent, se mettent en route, personne ne craque. Mais très vite Josie fait des bruits bizarres, on dirait qu’elle à mal. L’un de nous s’en inquiète: ses mains sont glaciales! La troupe s’arrête et Mariano tente de réchauffer ses mains. Josie est au bord des larmes et on l’entend crier quand le sang se remet a circuler dans tous les tissus: elle s’en tire bien!
Vers 6h, à l’Est, on voit une ombre triangulaire se détacher à l’horizon: l’ombre de la pyramide sommitale! chose étrange que d’ainsi pouvoir contempler notre objectif, en contrebas d’où nous nous trouvons! Malheureusement, en partant du camp, j’ai enfouis mon appareil photo au fond de mon sac et comme je l’ai dit, chaque mouvement est plus difficile, je n’arrive donc pas à trouver le cran pour m’arrêter et me mettre a sa recherche… tant pis, je piquerais les photos des autres!
Peu à peu, je retombe sur terre. Certes, ce matin j’étais gonflé à bloc, mais la montée est longue, fastidieuse, chaque pas est plus lourd que le précédent. L’air commence à manquer, et mon mal de tête revient. Je doit m’arrêter tous les X pas pour reposer les muscles de mes jambes et souffler un peu. Les autres avancent toujours, ils souffrent sûrement, mais j’ai le sentiment d’être le pire de tous. Pierre est loin derrière, il à l’air de souffrir aussi. Après un premier raidillon, enfin au soleil, nous prenons notre première pause. Pierre me sollicite pour l’aider a enlever son sac, je le trouve complètement transformé, il a pris 15 ans d’un coup, mais je suis trop préoccupé par mon sort pour m’en inquiéter. A ma grande surprise, Benedikt (le fils) et Joseph (le père), abandonnent. Pierre aussi redescend, il tousse beaucoup trop. Un de nos guides les escortent au camp III. Nous ne sommes plus que 6 du groupe original ainsi que Capy et Mariano qui font les traces dans la neige.
Après ce qui semble une éternité, nous arrivons au refuge en ruine d’Independencia à 6’380m. Le soleil tape comme pas possible, peu m’importe, je m’allonge et commence à somnoler. Les guides insistent pour qu’on boive et qu’on mange quelque chose. Cela me saoule de faire le moindre mouvement, et je n’en mène vraiment pas large… Mariano, me voyant ainsi, me lance la phrase terrible: « Come on William, eat and drink something. Or do you want to go down? » ……. Tout mon corps dit oui, mais ma bouche émet un « no » à peine audible. Bon, me voilà reparti pour un tour. On se remet en route, avec les crampons cette fois. Dans ma tête, c’est une lutte perpétuelle à laquelle je me livre. Quand je sens que je vais flancher, quand je m’imagine en bas dans mon sac de couchage, je me projette au sommet, j’imagine le bonheur de toucher cette petite croix de rien du tout, la plus haute des Amérique, je me vois serrer la main aux guides et les remercier, je me vois activer ma balise GPS pour avertir les miens de ma réussite. Cela me donne la force de continuer, je ne veux pas abandonner. Ainsi, pas après pas, je reprends de l’aplomb, et quand nous arrivons a Portezuelo del Viento (normalement le point le plus venteux du parcours) et que je vois enfin la Traverse et la Canaleta, je sens que rien ne m’empêchera d’arriver en haut!La vue est magnifique. Aucune montagne autour de nous nous cache l’horizon. Toutes sont plus petites que nous, et on a l’impression d’être dans l’espace. Les conditions météo sont parfaites, même si on voit quelques nuages commencer a se former au loin.
Le problème est que nous avons beaucoup de retard. La neige nous ralentit beaucoup, et nous ne pouvons nous permettre d’arriver au sommet après 15h, il ne faut pas oublier la descente! Les guides nous le répètent sans cesse: « notre boulot ce n’est pas de vous amener au sommet a tout prix, mais de tous vous descendre sain et sauf. »
Avec entrain, nous nous élancons dans cette longue traversée qui nous emmène au pied de la Canaleta. Connue pour être un des passages des plus pénible de cette voie, la Canaleta fait office de dernier obstacle. Un long couloir ou les roches instables n’offrent aucun appui correct aux marcheurs. 4 pas en avant, 1 en arrière. On patine, on n’avance pas, on s’épuise, le tout à plus de 6’500m, voila ce qu’on y fait dans la Canaleta! Tandis que je me sens renaître (ça reste relatif!) Andrew, lui, s’épuise à son tour. La neige arrive, on s’arrête un moment au pied d’une falaise nommée La Cueva a 6’660m. Comme je l’ai dit, nous sommes plus que 6: Brent, Florian et Andy qui semblent toujours avoir la pêche, Josie, Andrew et moi. Je me rappelle de l’histoire de l’autre groupe qui a du faire demi-tour a 100m du sommet car l’un des leurs était en plein delire. Si l’un d’entre nous décide d’arreter, il faudra que je sois sur de pouvoir aller au bout avant de continuer afin de ne pas compromettre les chances de mes autres camarades. En effet, il nous reste que deux guides.
Il est 14h, il est tard, pourtant la pause se prolonge. Mariano passe son temps a parler dans sa radio, mais je n’y prête pas attention. D’un coup, l’air grave, il nous dit.
« I don’t know if you understood what I said on the radio. Pierre est en train de faire un oedème pulmonaire, il a de l’eau dans les poumons, il tousse beaucoup et a du mal a respirer. Il est avec Julian (un autre guide) et ils essayent de descendre. Ils sont trop haut et le temps est trop couvert pour que l’hélicoptère se pose a Nido, ils redescendent au camp de base. Le problème, c’est que dans son état, Pierre peut mourir d’un moment a l’autre… »
Grand silence. La nouvelle est terrible. Je suis littéralement scié, mon moral tout au plus bas. Durant ces 2 semaines, Pierre est devenu plus qu’un simple compagnon de tente. C’est devenu avant tout un copain, un ami d’altitude. Je maudit le 7 decembre, ce jour ou 4 ans plus tôt mon grand-pere est décèdé Je suis envahi par une vague de pessimisme, je n’ai plus du tout le moral, je suis anéanti. Nous discutons de ce que nous devons faire. Capy redescend en courant au camp III ou attentent, seuls et en mauvais état, Benedikt et Joseph. Il faut quelqu’un auprès d’eux, on ne sait jamais ce qu’il peut arriver. Finalement, nous décidons de tous redescendre, la mort dans l’âme… Il est trop tard pour espérer atteindre le sommet avant 15h, et les conditions se dégradent. Les portugais continuent en revanche, mais ils redescendront 30 minutes plus tard.
Les jambes en compote, inquiets, nous redescendons au camp III. Nous y arrivons à 17h, après 12h de marche. Seul, je regagne ma tente désormais vide…
Plaza de Mulas – Camp de Base -, 4’300m, jour 14
Par radio, on apprend que Pierre est sain et sauf à Mendoza. Cela nous rassure, nous descendons au camp de base avec le sourire. Nous nous réjouissons de retrouver un peu de confort et d’appétit. Quand nous arrivons en fin de journée, Annette nous accueille en pleine forme et nous raconte le sauvetage de Pierre: quand le camp de base à ete averti de son état, une vingtaine de porteurs se sont mis en branle. En dix minutes à peine, ceux-ci s’avançaient à sa rencontre munis d’oxygène et d’un brancard. Vers le camp II, quelques minutes seulement après être parti, ceux-ci arrivaient à son niveau. Installé sur la civière, portée par 10personnes, Pierre est redescendu au camp de base. D’après Annette, tout le camp suivait sa descente. Une fois la procession arrivée, Pierre est dirigé vers l’infirmerie ou il y attend l’hélico. Le soir, il est a Mendoza, en pleine forme. Lors de nos retrouvailles après l’expédition, il me dit avec un sourire qu’après être sorti de l’hôpital vers minuit, il est allé manger un steak et boire une bière avec le médecin. Exactement ce don je rêvais!!! 🙂
Cette dernière soirée au camp de base, la sixième, se passe dans la bonne humeur générale. Capy sort la guitare, les allemands le rhum, le cuisto nous fait des pizzas! On ne se change pas, on reste tels quels, et pour finir, on décide de pousser les tables et de tous dormir dans la tente commune! C’est lors de cette soirée que je réalise que j’ai fait une grave erreur lors du Summit Day. j’étais tellement pas dans mon assiette que je n’ai pas mis de crème solaire. Mon visage est littéralement cramé. La peau est toute craquelée, et mes lèvres violettes, le lendemain elles seront vertes! Avec le temps, des plaques de peaux aussi épaisses que des chips se détacheront de mes joues. Appétissant!
Tout le monde est heureux. Sur les visages, les sourires sont la et nos guides nous avouent qu’ils ont rarement à faire à un groupe aussi soudé, et d’aussi bonne compagnie. Nous avons échoués à 300m du sommet, mais tout le monde est content, tout le monde est heureux d’avoir vécu cette expérience, personne ne fait la gueule!
Maintenant que le plus dur est passé, nous interrogeons un peu nos guides. Font-ils des paris au début de l’expédition sur ceux qui arriveront au sommet et ceux qui ni arriveront pas? Non! En général, c’est imprévisible! Mariano nous raconte qu’il y a 7 ans, un Russe de 135kg a voulu monter au sommet faire une levée de poids. Personne pensait qu’il allait y arriver, surtout quand les gens le voyaient boiter en arrivant a Confluencia! Pourtant, il est bien parvenu au sommet. A l’inverse, il y a peu, un champion d’Iron Man a du abandonner légèrement au dessus du camp III: épuisement!
Nous sommes heureux de redescendre à Mendoza après 2 semaines passées sous tente en altitude. Je rêve de pouvoir enfin manger mon steak! Je serai servi, car en 4 jours, je mange 3 Parilla Libre (grillades a volonté!).
Lors de notre soirée d’adieu, nous faisons la tournée des bars. On commence à minuit au bout de la rue Villanueva et on fini à l’autre bout, a 8h, à manger un petit déjeuner réparateur dans un café. Nous nous disons adieu devant l’auberge que j’ai quitté il y a deux semaines. Peut être un jour nous reverrons nous….
A l’auberge, Campo Base, je retrouve Eloi, mais aussi Donald, l’américain rencontré avant l’expédition. Nous sommes heureux de nous retrouver, ensemble, et pendant 4 jours, nous allons bien nous amuser! Tant pis pour le repos, ça attendra!
Hola Wili Estimado amigo estas aventuras son de canpeon , nos estas haciendo sonar con tu magnificas historias, una mas pasionante que la otra , sige asi y disfruta de este planeta la TIERRA , un fuerte abrazo de los tres ANIMO amigo ,,,,,,,,,,
1 février 2012 à 15 h 42 min
Hello William,
Pour les grands sommets il faut en moyenne 3 essais! Donc la prochaine fois ça risque d’être bon! Débilités mises à part, félicitations pour le récit et pour la gnaque des derniers jours, il n’est pas simple d’avoir mal à la tête, froid et de mettre un pied devant l’autre. C’est super que vous vous soyez tous retrouvés bons amis au camp de base, c’est rarement le cas.
Ton récit m’a juste donnée envie de poser une fois mes godasses au sommet de l’Aconcagua, peut-être ensemble?
Bonne suite de tour et bonnes fêtes de fin d’année.
Marco
18 décembre 2011 à 11 h 17 min
Quand Nicolas nous a indiqué que tu avais posté ton récit d’ascension, nous voilà à te lire sans décrocher. nous sommes impressionnés par la lecture et allons maintenant te suivre plus régulièrement.
17 décembre 2011 à 22 h 17 min
Tu vends du rêve mec!
17 décembre 2011 à 17 h 35 min
J’ai été scotché par ton récit! Magnifique et bravo à toi pour ta lucidité et la finesse de tes observations! cela fait vraiment envie! Quelle chance tu as. Profites à fonds!
16 décembre 2011 à 11 h 53 min
Bravo William, la prochaine fois, tu l’auras!
Félicitations à tous!
Je ne dois pas être le seul en te lisant à ressentir tout ce que tu nous décris,
le froid, les maux de têtes, la fatigue, le désespoir, mais tu l’as vu l’être humain, quelle que soit son origine est plein de ressources! Et vous n’avez pas risqué votre vie, il y a tjs des occasions de montrer sa résistance…
Joyeuses Fêtes de Noel et de Nouvel An où que tu sois pour toi, pour ta grande Famille, pour tous ceux qui t’ont suivi de par le monde et tous ceux que tu as rencontrés.
Luc.
16 décembre 2011 à 9 h 51 min
Salut Willy,
Toujours accro à ton aventure, j’ai toujours du mal à réaliser que c’est bien toi qui vis tout ça…quel courage, quelle volonté, tu es vraiment incroyable…la fin de l’année approche à grands pas, je ne sais pas quand aura lieu ton prochain post alors je te souhaite, où que tu sois, et avec un peu d’avance, un très joyeux Noël et de très joyeuses fêtes de fin d’année. Nous serons tous les 5 sous le soleil de saint-Domingue, où nous retrouvons mes parents pour fêter Noël, j’ose à peine te dire que notre grande aventure se résumera à choisir un cocotier pour buller à l’ombre face à la mer…je t’embrasse en attendant de te lire avec joie et admiration.
Corinne
16 décembre 2011 à 9 h 35 min