Chapitre 1: Barcelona!
Article premier: Barcelona!
3…., 2…., 1…., GO!!!
Allez, j’y vais! Je m’élance pour couper le ruban symbolisant la ligne de départ tout en pédalant, mais celui-ci ne veut pas céder, et je manque de commencer ce tour du monde par une chute! Cela fait bien rire l’assemblée. Finalement, et sans accident, ce samedi 16 juillet 2011 à 12h les premiers coups de pédales sont donnés!
Ces derniers jours sont passés à 200km/h. J’ai l’impression de n’avoir pas pu faire la moitié de ce que je devais faire. Cela fait des années que je pense à ce moment-là. Je m’étais dit que je serais si bien organisé que mon vélo sera près plusieurs jours á l’avance. C’est faux, la vieille, à 2h du matin, j’arrivais enfin à tout entasser sur mon vélo. Je le pèse aussitôt: 50kg! C’est trop, beaucoup trop. Mais il est trop tard pour tout déballer et essayer d’éliminer ce qui est superflu: dans deux semaines Fred, Aruran, Tania, Sarah et Amélie me rejoindront à Valence, et je les chargerai de rapatrier mes affaires à ce moment-là.
Bref, revenons au départ. Vous étiez très nombreux à venir assister à ce fameux franchissement de la ligne de départ. Des amis venus de divers horizons: collège, gymnase, université, amis d’amis, famille etc… Certains arborèrent même des t-shirt « ICH BIN EIN WILLAMER »!
Quelques uns d’entres vous m’ont même servis d’escorte jusqu’à la frontière! Ces premiers kilomètres de bonne humeur furent déjà marqués par une rencontre qui nous a fait tous rigoler après coup. Lors d’une halte près d’un magasin, le patron s’avance, et de son aire « je-sais-tout » me demande où je vais. Après lui avoir dit que je partais vers l’Afrique, il regarde ma selle et dit » C’est dommage, c’est dommage. Tu ne vas pas y arriver, ta selle n’est pas formée. C’est trop tard pour le faire. Et tes sandales à la Jésus, tu vas vite y renoncer ». Ahahah! Ces quelques mots nous firent bien rire avec Daniel durant les journées qui suivirent! 😀
Après un premier bivouac en terre genevoise, et une nouvelle série d’adieux, nous nous dirigeons, Daniel et moi vers la frontière. Un automobiliste passerait celle-ci certainement sans s’en rendre compte, pourtant, pour les cyclistes que nous sommes, un détail fait toute la différence: le changement de bitume. Du revêtement suisse lisse, voir presque soyeux, nous passons aux routes françaises, raccommodées de partout et pleines de nids de poules! Et pour nous jouer des tours, la visibilités est loin d’être top: le temps nous fait la gueule: pluie et vent de face. Pour couronner le tout, deux longues montées sont au programme de la journée. Pourtant, dans ces conditions, nous avançons bien, et le sourire est présent aussi bien sur mon visage que sur celui de Daniel. La descente du Rhône continue sans heurts majeurs, et c’est au J3 (Jour nª3) que la voiture-balai familiale vient rapatrier Daniel au sud de Lyon. Retour au bercail pour lui. Les derniers adieux de ce long gala de départ s’effectuent autour d’une table d’auberge, avec des cuisses de grenouilles dans nos assiettes!
Une fois seul, l’adrénaline me booste durant deux jours (où est-ce le mistral qui me pousse vers la mer?). Toujours est-il que j’avance bien, et assez facilement. Au J5m je fais même une étape de 160km jusqu’à Avignon, et au J6 je me jette dans la mer, ou plutôt une mer de touriste en atteignant les villes de la Grande-Motte et de Palavas-les-flots. J’ai du mal à comprendre comment les gens peuvent aimer s’entasser sur des plages à deux pas d’une route Nationale. Eux aussi doivent régulièrement se poser la question car j’en vois beaucoup qui font la tête: pas facile les vacances!!! Pourtant, ces coins touristiques ont leurs avantages, comme par exemple ces douches à disposition des baigneurs qui veulent se rincer après leurs baignades font mon bonheur: je peux enfin prendre une bonne douche!
Les trois jours jusqu’à l’Espagne sont pénibles. Beaucoup de vent de face, trop de voitures! Le moral baisse régulièrement lorsque je me trouve sur les grands axes, mais remonte aussitôt lorsque je me trouve un beau coin pour dormir (comme à Bages près de Narbonne) ou quand je fais un bout de route avec des personnes sympathiques (à l’image de ces deux jeunes allemands se rendant à Compostelle avec leurs vélos rafistolés).
Dernière ville française: Banyuls. Je partage mon repas avec un jeune tsigane qui veut me faire passer pour son frère quand les gendarmes arrivent. Je passe la frontière espagnole au niveau du col de Banyuls. Premier col, et, bien que tout petit (357m), celui-ci m’achève après une journée de plus de 100km avec du vent de face. Heureusement, au sommet j’y trouve un ancien bunker aménagé en refuge, ainsi qu’une famille d’Allemands et un jeune couple de catalans. Nous mangeons tous ensembles à la lueur du feu et des bougies.
L’entrée en Espagne est célébrée en fanfare par mes intestins. C’est affaibli que je me traîne jusqu’à la côte où je campe, sur un cap huppé, caché parmi les grandes villas et les beaux hôtels.
La dernière ligne droite jusqu’à Barcelone s’effectue en compagnie de Vincente qui a quitté Marseille il y a 4 jours dans le but de rejoindre Valence où sa femme l’attend dans leur maison de vacances. Il me donne plusieurs tuyaux comme celui d’aller dans les bars de zones industrielles pour bien manger pour pas cher. C’est ainsi que nous nous régalons d’une saucisse, de frites et de deux œufs pour 4 euros seulement!
Ainsi, c’est le ventre plein et en bonne compagnie que j’entre à Barcelone après 10 jours sur les routes et plus de 1’130km parcourus. Une nuit a l’auberge, un tour sur internet, et hop c’est reparti pour un tour: prochaine étape: Valencia!!!
PS: Tu noteras Daniel que je n’ai pas parlé de ta chute à l’arrêt après seulement 15 km de voyage 😉
Episode 5, GR5 suite et fin!
Previously, on 20kmh…
William, après avoir affronté des beaufs’ en vacances, plante sa tente dans un lieu idyllique. Après plusieurs jours passés dans un des coins les plus déserts de France, il retrouve la civilisation en entrant dans le Parc du Mercantour, et approchant de son objectif final : la mer…
Partie 5
En entrant une dernière fois dans le parc du Mercantour, je me rends compte que je suis à quelques jours de la fin de cette superbe marche. Lorsque je croise des routes, les panneaux indiquent la direction de Nice. Je sais qu’en levant le pouce, en 2-3heures je pourrais arriver chez ma grand-mère, terminus de mon périple. Mais je ne le veux pas. Arriver à Menton par les montagnes, découvrir progressivement un paysage plat et linéaire après ces quinze jours sans horizons lointains, sentir l’iode et me jeter à l’eau sous le regard intrigué des touristes, voilà ce que je veux !
Nourriture
Après plusieurs jours sur un GR5 quasi désert, je me retrouve très vite entouré de nombreux promeneurs « à la journée ». Il y a beaucoup de familles. Heureusement, car qui dit promeneurs, dit refuge. N’ayant pas pu me réapprovisionner convenablement à Saint Dalmas de Valdebore, je dois aller quémander du pain dans un gîte au Boréon. Pourtant situé à proximité d’une route et proche d’un village, le propriétaire du refuge rechigne à me donner le pain de la veille, et c’est sans un sourire qu’il me donne un sac de croutons de pain.
Peut importe, je suis satisfait. De plus, quelques heures plus tard, en arrivant au Refuge de la Madone de Fenestre, je me fais violence et commende un plat du jour. Gnocchis et Daube en sauce, parmesans et tranches de pain, tout y passe ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas mangé autre chose que des pâtes, de la semoule ou des nouilles chinoises.Quelques jours auparavant, pour varier, je me suis même essayé à faire une ratatouille avec des légumes dénichés dans un commerce un peu plus tôt afin de manger des produits frais. C’était bon, mais incomparable face à ce plat à faire tomber une madone !
Cette pause gastronomique est la bienvenue. Je pense à longueurs de journées à la nourriture. Un village est souvent synonyme de glaces ou de pains au chocolat et un col d’une pause pain-Nutella. Souvent, le soir dans ma tente, après avoir mangé des pâtes au fromage ou à la sauce tomate, puis une semoule avec du chocolat en dessert, je finis mon festin par quelques biscuits (des petits beurres au Nutella de préférence) ! En parlant de Nutella, véritable carburant, j’en ai consommé plus d’un kilo en moins d’une semaine !
La Colère de Zeus
Après avoir empoché les quelques tranches de pains qui restaient dans la bannette, je décolle, et commence l’ascension du Pas du Mont Colomb à 2’550m. En sortant, je me rends compte que je n’aurais jamais du m’arrêter si longtemps. L’air est lourd et je sens l’orage qui approche. Je décide donc de grimper au plus vite afin d’être sur l’autre versant lorsque l’orage éclatera. Mon sac étant de plus en plus léger avec peu de nourriture, je peux avancer à une bonne allure. Malheureusement, l’orage éclate très vite. Il est très violent, et le fait de se trouver entre deux montagnes amplifie encore plus les grondements du tonnerre.
Afin de me rassurer, je compte les secondes entre le son et la lumière, entre le tonnerre et l’éclair. Au début, il est à quinze secondes, mais très vite il n’est plus qu’à dix, puis, quand j’arrive au sommet (qui est en plus très escarpée avec une descente très périlleuse), il se trouve juste au-dessus de ma tête ! Je fais l’inventaire de tout ce que j’ai de métallique sur moi, et décide de mettre ma gamelle, mon réchaud, et mon portable tout au fond de mon sac pour attirer la foudre le moins possible. Je range aussi mes lunettes, enlève ma ceinture, le tout en marchant. Je ne sais pas si c’est vraiment utile, mais pour la première fois, je suis extrêmement inquiet, les éclairs illuminant le ciel toutes les quelques secondes ! Le sol est complètement inondé et le chemin disparaît souvent sous des flaques de plusieurs mètres. C’est fou, ce matin les paysages étaient pourtant si secs !
J’arrive finalement au niveau d’une retenue d’eau où une sorte de tunnel de service me permet de me mettre à l’abri sur les quelques premiers mètres. Deux randonneurs s’y trouvent déjà. Ils sont bien équipés : piolets, casques, crampons, corde… bref, tout le barda. Ils me disent qu’ils sont allés faire du glacier. Je suis étonné, vu la température et l’altitude des sommets environnant relativement faible, je me demande comment ça se fait qu’il y a des glaciers. Enfaite, il s’agit selon eux d’un petit glacier de quelques dizaines de mètres. Ça doit être le glacier du Clapier, le glacier le plus au sud des Alpes.
Le short et les chaussures complètement trempée, je décide de me réchauffer dans le beau Refuge de Nice (2’235m) qui est, à cause du temps, densément peuplé. Il est 17h, et je ne sais pas si je vais pouvoir encore avancer aujourd’hui. La Vallée des Merveilles est à deux cols seulement, et j’aurai vraiment aimé y camper cette nuit… Finalement, la météo s’arrange peu à peu mais il est trop tard : je plante ma tente à contrecœur légèrement en amont du refuge, au milieu des rochers.
Une journée de 15h30 de marche
Avant mon départ il y a plus de deux semaines, je m’étais dit que j’effectuerai une étape nocturne. J’aime bien marcher de nuit en général, on y entend d’autres sons, et les senteurs sont différentes. La lune et les étoiles éclairent les montagnes que très légèrement, ce qui les rend encore plus imposantes et mystérieuses. Ayant fait une petite étape à cause de l’orage, je décide de me lever le lendemain à 4h du matin a fin d’admirer le levé du soleil depuis la Baisse du Basto (prononcer « ba-isse ») à 2’693m. Le réveil est dur, d’autant plus dur que durant la nuit, en allant vider ma vessie, j’ai marché sur une de mes sardines ! La douleur, si intense et inattendue me réveilla complètement. Il me fallut plusieurs minutes pour retrouver le sommeil. Ainsi, lorsque mon réveil sonne, je décide de me rendormir pour quarante minutes. Une fois mon petit déjeuner avalé, il me faut de longues minutes pour me sortir de mon sac de couchage et ranger ma tente dans le noir. Il fait froid, et le sol est toujours très humide. Je décolle donc peu avant 6h. Dans l’obscurité complète, et avec une lampe de poche de moins en moins vigoureuse, je pars à la recherche du chemin. Malheureusement, celui-ci est inondé sur de longues distances, et je n’arrive pas à le trouver. J’erre ainsi plus d’une demi-heure à sa recherche. Quand je le trouve, le ciel est déjà un peu plus clair : je suis en train de rater le lever du soleil ! Je speed pour gravir les 450m de dénivelés restant, mais quand j’arrive à la Baisse du Basto, il est trop tard, à 7h20 le soleil éclair déjà la plus part des sommets. Peu importe, j’escalade une pointe très abrupte jusqu’à une altitude de 2’800, afin d’admirer le soleil encore rouge et contempler l’étape qui m’attend en tentant d’apercevoir la mer. Ce ne sera pas pour cette fois.
Deux heures plus tard, j’entre dans la Vallée des Merveilles !
Cette vallée est célèbres pour ses 40’000 gravures datant de l’Age de Bronze couvrant les blocs erratiques ou les roches moutonnées, témoins des glaciers disparus recouvrant ces vallées. Je croise de nombreux promeneurs accompagnés de jeunes guides (sûrement des étudiants) qui me demandent de ne pas utiliser mes bâtons, car ils peuvent abîmer certaines gravures se trouvant parfois à quelques centimètres du sentier.
Près du refuge des Merveilles je rencontre deux Italiens partis de Menton il y a quelques jours. Ils m’annoncent que prochainement je ne trouverais plus d’eau sur une distance d’environ 30km ( ?!). Je décide d’être à l’affut de tous les points d’eau et de remplir alors toutes mes bouteilles.
Après une halte « deuxième-petit-déjeuner » au refuge des Merveilles aux alentours de 10h, je décide de continuer mon chemin, et de quitter cette vallée grouillant de groupes de touristes-marcheurs de plus de quinze personnes. Je me dirige ainsi vers le Pas du Diable, situé à 2’436m et qui portant plutôt mal son nom…
Une rencontre inattendue…
Comme à mon habitude depuis plus de deux semaines, je grimpe au sommet du col d’une traite, à un rythme très appuyé. Les bâtons, que je n’utilisais pas avant cet été, me sont d’une grande aide. Ils me permettent de me hisser, de soulever à chaque pas la partie supérieure de mon corps en minimisant l’effort fournis par mes jambes. Ainsi, mes bras, poignets et épaules travaillent tout autant que mes cuisses et mes genoux. En arrivant au col, je suis subjuguée par la vue qui s’offre à moi. Enfin la mer !
A plusieurs kilomètres de mes pieds, à deux ou trois jours de marche : la mer ! Quelle récompense de voir son but surgir ainsi derrière les montagnes. Je me souviens, lorsque jusqu’à pas si longtemps nous descendions dans le sud de la France en famille : au détour d’un virage, la mer apparaissait d’un coup. Nous la regardions quelques secondes, puis, continuions nos lectures. Cette fois-ci, je ne la quitte pas des yeux, et j’ai l’impression de la mériter, c’est ma récompense !
A quelques mètres un couple casse la croûte dans l’herbe. L’homme, la cinquantaine, est allongé sur le dos, des bouts de fromages perdus dans sa barbe. C’est la femme, d’une trentaine d’année, qui les lui coupe et lui parle en anglais. Je m’approche d’eux car leurs gros sacs m’avertissent qu’eux aussi viennent de loin. J’entame la discussion en anglais :
Moi: – Hello! Is it the sea? That’s amazing!
La femme: – Yes it is! It’s so nice! Where are you from?
Moi : – I’m from Lausanne, I left Switzerland 17 days ago. And you?
La femme : – We’ve been walking for 2 months !
A ce moment là, l’homme se redresse, et son visage me rappel quelqu’un…
L’homme: – Tu parles francaise? Je suis de Genève.
Moi : – Je suis de Lausanne. Comment t’appelles-tu?
L’homme : – Claude
Moi : – Vous n’êtes pas Claude Marthaler par hasard ?!
L’homme : – Si, c’est moi. Tu me connais ?!
Quelle surprise ! Durant cette marche, je me suis souvent comparé, identifié, inspiré de Sylvain Tesson, l’écrivain-voyageur que je préfère. Sa philosophie, sa simplicité, et ses textes très soignés me touchent énormément. Mais lors de mes tours en vélo, je pense souvent aux deux livres écris par Claude Marthaler, grand cyclo-voyageur genevois. Lui, il n’a rien a envié à Sylvain Tesson : il a un style bien à lui et ses livres sont plein d’anecdotes, d’informations utiles et de jolies photos. Son premier livre raconte son tour du monde de sept ans effectué à partir du milieu des années 90, et le deuxième, un voyage de trois ans entre l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Himalaya et l’Asie du Sud-est. Quelques mois auparavant, je m’étais rendu avec ma maman à l’un de ses diaporamas à Genève, et j’avais été heureux de « vivre » son dernier voyage pendant les 1h30 de présentation. Cette rencontre, au sommet d’un col anodin des Alpes est pour moi une sorte de cerise sur le gâteau ! Quel hasard de le rencontrer si près du but !
Nous nous séparons après avoir discuté environ 15 minutes pour partager nos sentiments sur la fin de ce parcours, et échanger les informations que nous avons concernant cette dernière ligne droite Ils n’étaient pas au courant de l’absence prochaine d’eau sur plusieurs kilomètres.
C’est l’heure du grand plongeon : 2100m de dénivelés négatifs. Je me situe à presque 2’450m, et la ville de Sospel à 350m. A priori, je ne compte pas m’y rendre ce soir, car elle est bien trop distante. Je fais donc une pause juste avant le dernier point d’eau afin d’être en forme pour entamer cette longue descente en plein cagnard. Je découvre au fond de mon sac un paquet de nouilles chinoises instantanées que je cuisine rapidement sur mon réchaud.
Je vois au loin Claude et Ellah, sa jeune compagne, qui s’éloignent. Pourtant en allant vers le soi-disant dernier point d’eau avant Sospel, je la trouve en train d’attendre sur le bord du chemin. Elle me dit que Claude cherche depuis plusieurs minutes de l’eau, et que ne le trouvant pas, s’est finalement résolu à aller remplir leurs nombreuses gourdes dans un ruisseau situé loin en aval. Lorsqu’il revient, il me dit qu’il a prélevé largement assez de liquide pour nous trois. Sachant qu’ils sont à cours de vivres, je leur propose des biscuits, du chocolat (M-Budget !!) et un peu de fromage. La symbiose est parfaite, nous décidons de faire équipe jusqu’à Sospel ! Nous marchons donc toute l’après-midi à la queue-leu-leu.
Ellah est danoise et a 32ans, et a rencontré Claude au Laos lors de son dernier voyage. Elle est très sportive, elle fait des marathons, et projette sûrement de venir s’installer à Genève. Claude, n’a pas prévu de voyages en particuliers. Il pense peut-être rester sur Genève quelques années, surtout si Ellah vient s’installer. Ils sont partis il y a deux mois du Col du Grand-Saint-bernard, sont remontés au Nord vers le Lac Léman, puis ont suivis le tracé du GR5. Ils ont pris un peu plus leurs temps que moi, n’hésitant pas à rester plusieurs jours au même endroit. Le poids de leurs sacs est considérable, celui de Claude dépassant les 26kg !
La descente jusqu’à Sospel est éprouvante ! Lors de ces 6 heures de marche en plein soleil l’eau vient finalement à manquer. Lorsque la nuit tombe, on aperçoit les lumières de la ville au loin. Très vite la discussion tournes autour des plats que nous aimerions manger. Je leur parle d’une des spécialités de la région : les ravioles à la niçoise. Mon ventre hurle !
C’est finalement à 21h30, les pieds en sang que nous arrivons dans la vieille-ville. Nous dénichons un restaurant et y dégustons ravioles gratinées, pizzas, desserts…etc. Une fois rassasiés, nous nous rendons au camping municipal, et y entrons discrètement pour y planter nos tentes et utiliser les installations. La douche que je prends alors fait partit du Top 5 des meilleurs moments de ma vie !! Cette journée m’a vraiment tué : plus de 15h passés sur le GR5, avec à peine 3h de pauses cumulées en tout, et plus de 3’110m de dénivelés négatifs ! Mes pieds ont vraiment soufferts.
Fin du voyage
Le lendemain nous levons vite les voiles. Le camping ouvre, et nous voulons éviter croiser le responsable des lieux. 6 Euros la location de 1.50m2 de terrain pendant à peine 7h, c’est exagéré non ? 😛
Nous pensons que cette dernière étape ne sera qu’une formalité, mais il nous faudra quand même 7h pour gravir les deux derniers cols avant Menton. La chaleur est écrasante, et ne nous facilite en rien la tache. Au Col du Berceau, à 1’090m, je laisse à Claude et Ellah un peu d’intimité et contemple la vue de mon côté. Le changement de paysage est radical, c’est étonnant de ne pas avoir une montagne en face. Cette soudaine ligne droite et régulière en guise de ligne d’horizon n’est pas habituelle.
Les 1’090 derniers mètres de dénivelés sont éprouvant. Le sol est glissant, et nous nous retrouvons quelques fois sur les fesses. Pourtant, l’ambiance est toujours bonne entre nous, Claude me raconte ses voyages, me conseille concernant le matériel à emporter lors d’un voyage à vélo. Je ne me lasse pas de l’écouter.
À 18h30, le vendredi 21 août, nous atteignons enfin la mer ! On marche sur la plage, deux litres de glaces achetés au supermarché sous le bras. Les gens nous dévisagent, et certains nous demande, d’un air moqueur en regardant nos bâtons : « vous venez pour skier ? ». Nous leur répondons : « Non, nous venons de Suisse à pied !». 😀
Nous nous installons sur rochers, au bout d’une digue à quelques centimètres des vagues, pour déguster nos glaces. Un sentiment de plénitude m’envahit. Quelle joie d’arriver ainsi pied au bord de la mer ! Ce moment vaut bien tous les litres de sueurs versés sur ce chemin!
Après avoir fait mes adieux à Claude et Ellah, je me dirige vers la gare, à quelques mètres de la frontière italienne, que j’ai frôlée tout au long du trajet sans jamais la traverser. Non mais ! Ils n’avaient cas pas nous volé la coupe du monde il y a 3 ans!! Je prends le train en direction de Golfe Juan, où vit ma grand-mère. Je débarque à 21h30 à l’improviste ! Quelle surprise ça lui fait, elle ne m’attendait pas si tôt. S’en suivent 10 jours ou je serai chouchouté et remplumé. Entres excursions d’une journée, après-midi à la plage, et soirées-télé mes activités changent drastiquement et je me refais une santé.
Je rentre 10 jours plus tard en Suisse. L’avion met 25 minutes pour survoler les Alpes. Je distingue certains massifs qui m’ont tenus compagnie des jours durant. Je m’imagine il y a quelques semaines, telle une fourmi, slalomant entre les pics, dévalant les versants, trimbalant ma maison sur le dos. Souvent, j’ai observé ces avions me survoler, imaginant toutes ces personnes bien assises dans une cabine climatisée. Aujourd’hui, c’est moi qui suis dans le ciel…
Quelques chiffres
Plus de 600km répartis en 18jours (plus un de pause à Aussois), pour un total de 130h de marche.
31’240m de dénivelés positifs, (maximum 3’060m le 11e jour)
30’440m de dénivelés négatifs, (maximum 3’115m le 17e jour).
Entre 45 et 50 cols, la plupart à une altitude située entre 2’000 et 2’500m. Les noms sont souvent marrants :
Col de la Sauce,
Col du Tricot,
Col du Bonhomme,
Col du Berceau,
Les Crottes,
Les Trucs…etc
Point culminant du trajet : Le Mont Thabor, le 9e jour à 3’178m
et …. 5 kilos perdus!
Et pour finir, voici 4 cartes tirées du site Mountain is Good:
Episode 3, GR5 Chrono
Previously, on 20kmh…
William a traversé des moments très difficiles. Après la perte de son appareil photo, il a même pensé à rentrer chez lui, la queue entre les pattes. Heureusement, un rendez-vous pour une journée de marche au pied du Mont-Blanc convenus avec ses amis Sylvane, Lucille, Jean et Fabien lui redonne le punch nécessaire pour continuer sans se poser de questions…
Épisode 3
Vitesse de croisière
Samedi 8 août, 12h20, refuge du Col de la Croix du Bonhomme. J’ai gravi un peu plus tôt mon 8’848m de dénivelé positif : l’altitude de l’Everest…
Devant une grosse assiette de pâtes carbonara (comme si je n’avais pas déjà mangé assez de pâtes !), je relis ce que Sylvane & Co m’ont écrit dans mon carnet lors de la journée précédente. Elle me demande de faire « gaffe aux loups et aux français », et Fabien se propose en tant qu’héritier numéro 1 de ma Playstation si je n’arrive pas à leur échapper !
Aujourd’hui, le passage du Col du Bonhomme dans le brouillard est un moment clé. Dorénavant, je ne peux plus faire demi-tour aussi facilement que lors des journées précédentes. Jusqu’à hier, il me suffisait de basculer sur un versant opposé pour passer en Suisse, et ainsi rentrer chez moi en moins d’une heure de train. J’ai l’impression que le lac et la mer agissent comme des aimants, et aujourd’hui la force d’attraction de la côte d’azur est devenue plus forte que celle du Léman. Après ces quelques moments difficiles, je ne doute plus, et je suis persuadé que j’arriverais au bout de mon voyage dans environ deux semaines. Et puis, j’avance maintenant sans l’aide de cartes topo. Je ne m’oriente qu’à l’aide des petits traits de peinture rouge et blanc tatoués sur les rochers, ainsi qu’en me basant des informations glanées dans le grand livre La Traversée des Alpes, Du Léman à la Méditérranée de chez Glénat. C’est limite, mais je n’ai pas envie d’acheter une dizaine de cartes et de les trimbaler tout du long pour ne les utiliser qu’un jour ou deux chacune.
Les journées se succèdent. Je rencontre Victor, un américain d’une cinquantaine d’année, effectuant aussi le GR5. Il marche plus lentement que moi, mais quasi sans interruptions de 7h à 19h. Du coup, à cause de mes nombreuses pauses, on se croise et recroise, et nous faisons connaissance.
Un soir, alors que la nuit s’annonce humide, je décide de m’abriter dans une sorte de vieille bergerie abandonnée.
C’est après de nombreuses tentatives pour ouvrir la porte que je parvins à m’introduire dans un intérieur sans fenêtres et très poussiéreux. Je mange sur le pas de la porte, et une souris essaye passer plusieurs fois entre mes jambes, mais elle fonce à chaque fois en plein dans ma bouteille en plastique couchée à même le sol! Ça me fait rire d’imaginer l’état de son museau !
Cette nuit-ci, je dors paisiblement, bien que j’entende les souris trottiner près de ma tête, à la recherche de mes provisions précautionneusement accrochées à un clou au plafond.
Le lendemain, j’enjambe l’Isère qui traverse plusieurs kilomètres plus bas la ville de Grenoble. Je me rends compte que les batteries de mon téléphone sont à plat malgré le fait que je l’ai mise à charger sur mon petit panneau solaire toute la journée. Ça me met de mauvaise humeur : je ne peux plus prendre de photos jusqu’à ma prochaine rencontre avec une prise de courant…
Le soir, un orage très impressionnant débute alors que je recroise Victor. Ensemble nous arrivons à Rosuel, un petit village à 1600m d’altitude, adjacent au Parc national de la Vanoise.
De nombreux villageois sont réunis près d’une buvette. Ils nous disent qu’un torrent a inondé la route un peu plus loin, et ils nous déconseillent de passer. Je n’ai nul part où camper, les espaces propices sont détrempés, et semblent peu sûrs. Victor décide de passer une nuit dans un hôtel non loin de là, mais je ne l’accompagne pas. Au lieu de ça, je repère un refuge en construction, et décide de dormir sur le balcon, qui est à peu près le seul endroit complètement à l’abri. Durant la soirée, je vois défiler pelleteuses et pompiers partant limiter les dégâts causés par cette pluie diluvienne.
En me réveillant, je réalise que je ne suis pas loin d’Aussois près de Modane, où la famille de mon filleul passe des vacances. Je décide de faire le maximum pour y arriver dans la soirée. Malgré une météo toujours aussi maussade, j’entre dans le parc de la Vanoise. Le bivouac y est interdit, et la nature superbe : tout est très vert, et j’approche des bébés marmottes de très près sans les effrayer, c’est la première fois que j’en vois. Au sommet du Col du Palet (2650m), j’aperçois entre deux nuages la ville de Tignes-le-lac. Quelle surprise, et quel contraste ! Alors que jusqu’à aujourd’hui la nature était magnifique, et les villages traversés authentiques, je tombe sur une ville de chalets-immeubles de 10 étages, entourés de parkings, de terrains de foot et de rugby, de stands de tirs à l’arc, de manèges d’équitation, d’un centre aquatique avec des toboggans géants, d’une gare pour le métro-funiculaire déposant des skieurs sur le glacier de la Grande-Motte et le tout à une altitude de 2100m ! Un panneau affiche fièrement en grandes lettres : « Tignes, le plus bel espace skiable du monde ». Ironie ? Autodérision ? Après huit jours passés en pleine montagne, me voilà débarqué en plein Disney Land alpin…
Malgré tout, je profite de cette ville pour me ravitailler et prendre mon petit déjeuner de 11h (je prends généralement deux petits déjeuners par matin): deux croissants, du pain au Nutella, 1 litre de lait chocolaté froid et un quelconque jus de fruit Du coup, c’est le bide rempli à raz-bord que je me lance dans l’ascension du Col de la Leisse, l’un des plus hauts cols du parcours, à 2760m. La montée est douce mais longue. Peu à peu, les groupes d’une quinzaine de touristes deviennent rares, et la montagne redevient mienne. Je regrette de ne plus avoir de batteries pour utiliser l’appareil photo de mon téléphone. Le vent, la pluie, et le parcours au milieu des rochers donne des airs d’Islande à ces paysages. Ces derniers sont magnifiques, la géologie et la géomorphologie très riches : schistes et micaschistes de diverses couleurs, failles, verrous glaciaires, vastes tabliers d’éboulis, glaciers rocheux…etc. Je regrette de ne pas avoir pris quelques cartes, notes et livres de cours pour reconnaître certaines autres formes, de plus, je me demande en vain si je me trouve dans le domaine briançonnais ou le piémontais ! Je connais certaines personnes qui jizzeraient sur place 😛
Après avoir ingurgité une soupe très copieuse au refuge de la Leisse en compagnie d’une mère et de sa fillette, je pars à toute allure en direction de Termignon, ville se trouvant au bout, au « terminus », de la vallée de Modane. En chemin, je dois arrêter plusieurs personnes afin d’essayer leurs téléphones. Malheureusement, il n’y aucun réseau, je ne peux donc pas avertir la famille Poiret de mon arrivée. Comme me l’avait averti la femme croisée au refuge, la descente est longue (ils m’avaient conseillés de faire du stop une fois arrivée au Refuge du Plan du Lac, ce que je refuse de faire), mais toujours aussi belle. C’est finalement à 17h que j’arrive à joindre les Poiret, et à 19h qu’ils me retrouvent au bord de la route, à Termignon, après une journée de marche de plus de 11h30.
Break
Après huit jours de marche sans interruption, et approximativement 230km parcourus, je m’accorde une pause d’une journée en compagnie de mon filleul Henri et de sa famille dans le petit village d’Aussois. L’occasion pour moi de prendre une vrai douche ( !), faire une lessive, joindre mes parents, recharger mes batteries (corps et téléphone), et d’alourdir mon sac avec des provisions, à savoir du très bon fromage et un gros saucisson de la région ! Entre mini-golf, visites d’amis des Poiret, courses dans les fromageries et charcuteries du village, le temps passe vite, et il est déjà temps de partir. Il est 7h15 le mercredi 12 août lorsque je me fais prendre en auto-stop jusqu’à Modane, où je retrouve le GR5, et Victor qui a pris un peu plus de temps pour sillonner le parc de la Vanoise. Il me dit qu’il a remarqué le « Hello Victor » que j’avais gravé dans la boue avec la pointe de mon bâton deux jours auparavant.
GR5, « Monte à bord » !
Afin de me remettre en jambe, je décide de faire un petit détour, et d’accrocher le Mont Thabor à 3178m. Je gravis les 2100m de dénivelés en 6h, et je ne suis pas déçu de la vue, je distingue même le massif des Ecrins, ainsi que le Parc des Queyras.
Ce qui me marque lors de cette étape, c’est le changement de végétation, beaucoup plus sèche, composée notamment de quelques pins et arbustes peuplant aussi les rives de la Méditerranée. Le fait de pouvoir constater ce type d’évolution progressive dans le paysage est vraiment super et jamais, ô grand jamais, il n’aurait été possible de le faire en voyageant en train, en voiture, ou en avion !
Durant cette journée, je ne rencontre plus Victor, mais je croise énormément d’italiens. En effet, le haut de cette vallée, bien que située en territoire français, débouche sur l’Italie. Le bivouac au Col des Thures est magnifique. Une vaste étendue d’herbe à 2200m, agrémenté d’un petit lac, et d’un troupeau de mouton un peu plus loin.
J’y rencontre Philippe, un randonneur de mon âge, partit il y a deux jours de Modane (j’y étais le matin même), mais ralentis par un ENORME sac! On croirait un sherpa.Son sac de couchages et sa tente se superposent sur le haut de son sac qui atteint le poids de 25kg (sans l’eau)! J’apprendrais un peu plus tard qu’il a été forcé d’abandonner quelques jours après notre rencontre à cause de son chargement. Nous bivouaquons dans le même secteur, et nous mangeons ensemble. C’est une bonne soirée. J’apprends qu’il est « ferronnier acrobatique », c’est-à-dire qu’il fait des travaux dans des endroits difficiles d’accès, accrochés à une corde de rappel. Le lendemain, nous nous séparons après une demi-heure de marche commune.
En fin de journée, j’arrive à Briançon qui est la ville la plus haute de France perchée à environ 1320m d’altitude. Je ne rêve que d’une chose : d’un MacDo pour y commander un Cheeseburger et un MacFlurry glacé, avec du chocolat dedans et tout et tout ! Cela fait depuis la veille que je me suis mis cette idée dans la tête. À force de manger des pâtes au bouillon ou au fromage tous les soirs, j’ai envi de varier un peu, et de la malbouffe une fois de temps en temps ne peut pas faire de mal ! 😀
Malheureusement, c’est une fois arrivé tout en bas de la ville qu’on m’annonce que le Macdonald se trouve tout en haut, à l’opposé de la ville… C’est le moral dans les chaussettes que je mange donc un Kebab dans un parc!