Episode 5, GR5 suite et fin!
Previously, on 20kmh…
William, après avoir affronté des beaufs’ en vacances, plante sa tente dans un lieu idyllique. Après plusieurs jours passés dans un des coins les plus déserts de France, il retrouve la civilisation en entrant dans le Parc du Mercantour, et approchant de son objectif final : la mer…
Partie 5
En entrant une dernière fois dans le parc du Mercantour, je me rends compte que je suis à quelques jours de la fin de cette superbe marche. Lorsque je croise des routes, les panneaux indiquent la direction de Nice. Je sais qu’en levant le pouce, en 2-3heures je pourrais arriver chez ma grand-mère, terminus de mon périple. Mais je ne le veux pas. Arriver à Menton par les montagnes, découvrir progressivement un paysage plat et linéaire après ces quinze jours sans horizons lointains, sentir l’iode et me jeter à l’eau sous le regard intrigué des touristes, voilà ce que je veux !
Nourriture
Après plusieurs jours sur un GR5 quasi désert, je me retrouve très vite entouré de nombreux promeneurs « à la journée ». Il y a beaucoup de familles. Heureusement, car qui dit promeneurs, dit refuge. N’ayant pas pu me réapprovisionner convenablement à Saint Dalmas de Valdebore, je dois aller quémander du pain dans un gîte au Boréon. Pourtant situé à proximité d’une route et proche d’un village, le propriétaire du refuge rechigne à me donner le pain de la veille, et c’est sans un sourire qu’il me donne un sac de croutons de pain.
Peut importe, je suis satisfait. De plus, quelques heures plus tard, en arrivant au Refuge de la Madone de Fenestre, je me fais violence et commende un plat du jour. Gnocchis et Daube en sauce, parmesans et tranches de pain, tout y passe ! Cela faisait longtemps que je n’avais pas mangé autre chose que des pâtes, de la semoule ou des nouilles chinoises.Quelques jours auparavant, pour varier, je me suis même essayé à faire une ratatouille avec des légumes dénichés dans un commerce un peu plus tôt afin de manger des produits frais. C’était bon, mais incomparable face à ce plat à faire tomber une madone !
Cette pause gastronomique est la bienvenue. Je pense à longueurs de journées à la nourriture. Un village est souvent synonyme de glaces ou de pains au chocolat et un col d’une pause pain-Nutella. Souvent, le soir dans ma tente, après avoir mangé des pâtes au fromage ou à la sauce tomate, puis une semoule avec du chocolat en dessert, je finis mon festin par quelques biscuits (des petits beurres au Nutella de préférence) ! En parlant de Nutella, véritable carburant, j’en ai consommé plus d’un kilo en moins d’une semaine !
La Colère de Zeus
Après avoir empoché les quelques tranches de pains qui restaient dans la bannette, je décolle, et commence l’ascension du Pas du Mont Colomb à 2’550m. En sortant, je me rends compte que je n’aurais jamais du m’arrêter si longtemps. L’air est lourd et je sens l’orage qui approche. Je décide donc de grimper au plus vite afin d’être sur l’autre versant lorsque l’orage éclatera. Mon sac étant de plus en plus léger avec peu de nourriture, je peux avancer à une bonne allure. Malheureusement, l’orage éclate très vite. Il est très violent, et le fait de se trouver entre deux montagnes amplifie encore plus les grondements du tonnerre.
Afin de me rassurer, je compte les secondes entre le son et la lumière, entre le tonnerre et l’éclair. Au début, il est à quinze secondes, mais très vite il n’est plus qu’à dix, puis, quand j’arrive au sommet (qui est en plus très escarpée avec une descente très périlleuse), il se trouve juste au-dessus de ma tête ! Je fais l’inventaire de tout ce que j’ai de métallique sur moi, et décide de mettre ma gamelle, mon réchaud, et mon portable tout au fond de mon sac pour attirer la foudre le moins possible. Je range aussi mes lunettes, enlève ma ceinture, le tout en marchant. Je ne sais pas si c’est vraiment utile, mais pour la première fois, je suis extrêmement inquiet, les éclairs illuminant le ciel toutes les quelques secondes ! Le sol est complètement inondé et le chemin disparaît souvent sous des flaques de plusieurs mètres. C’est fou, ce matin les paysages étaient pourtant si secs !
J’arrive finalement au niveau d’une retenue d’eau où une sorte de tunnel de service me permet de me mettre à l’abri sur les quelques premiers mètres. Deux randonneurs s’y trouvent déjà. Ils sont bien équipés : piolets, casques, crampons, corde… bref, tout le barda. Ils me disent qu’ils sont allés faire du glacier. Je suis étonné, vu la température et l’altitude des sommets environnant relativement faible, je me demande comment ça se fait qu’il y a des glaciers. Enfaite, il s’agit selon eux d’un petit glacier de quelques dizaines de mètres. Ça doit être le glacier du Clapier, le glacier le plus au sud des Alpes.
Le short et les chaussures complètement trempée, je décide de me réchauffer dans le beau Refuge de Nice (2’235m) qui est, à cause du temps, densément peuplé. Il est 17h, et je ne sais pas si je vais pouvoir encore avancer aujourd’hui. La Vallée des Merveilles est à deux cols seulement, et j’aurai vraiment aimé y camper cette nuit… Finalement, la météo s’arrange peu à peu mais il est trop tard : je plante ma tente à contrecœur légèrement en amont du refuge, au milieu des rochers.
Une journée de 15h30 de marche
Avant mon départ il y a plus de deux semaines, je m’étais dit que j’effectuerai une étape nocturne. J’aime bien marcher de nuit en général, on y entend d’autres sons, et les senteurs sont différentes. La lune et les étoiles éclairent les montagnes que très légèrement, ce qui les rend encore plus imposantes et mystérieuses. Ayant fait une petite étape à cause de l’orage, je décide de me lever le lendemain à 4h du matin a fin d’admirer le levé du soleil depuis la Baisse du Basto (prononcer « ba-isse ») à 2’693m. Le réveil est dur, d’autant plus dur que durant la nuit, en allant vider ma vessie, j’ai marché sur une de mes sardines ! La douleur, si intense et inattendue me réveilla complètement. Il me fallut plusieurs minutes pour retrouver le sommeil. Ainsi, lorsque mon réveil sonne, je décide de me rendormir pour quarante minutes. Une fois mon petit déjeuner avalé, il me faut de longues minutes pour me sortir de mon sac de couchage et ranger ma tente dans le noir. Il fait froid, et le sol est toujours très humide. Je décolle donc peu avant 6h. Dans l’obscurité complète, et avec une lampe de poche de moins en moins vigoureuse, je pars à la recherche du chemin. Malheureusement, celui-ci est inondé sur de longues distances, et je n’arrive pas à le trouver. J’erre ainsi plus d’une demi-heure à sa recherche. Quand je le trouve, le ciel est déjà un peu plus clair : je suis en train de rater le lever du soleil ! Je speed pour gravir les 450m de dénivelés restant, mais quand j’arrive à la Baisse du Basto, il est trop tard, à 7h20 le soleil éclair déjà la plus part des sommets. Peu importe, j’escalade une pointe très abrupte jusqu’à une altitude de 2’800, afin d’admirer le soleil encore rouge et contempler l’étape qui m’attend en tentant d’apercevoir la mer. Ce ne sera pas pour cette fois.
Deux heures plus tard, j’entre dans la Vallée des Merveilles !
Cette vallée est célèbres pour ses 40’000 gravures datant de l’Age de Bronze couvrant les blocs erratiques ou les roches moutonnées, témoins des glaciers disparus recouvrant ces vallées. Je croise de nombreux promeneurs accompagnés de jeunes guides (sûrement des étudiants) qui me demandent de ne pas utiliser mes bâtons, car ils peuvent abîmer certaines gravures se trouvant parfois à quelques centimètres du sentier.
Près du refuge des Merveilles je rencontre deux Italiens partis de Menton il y a quelques jours. Ils m’annoncent que prochainement je ne trouverais plus d’eau sur une distance d’environ 30km ( ?!). Je décide d’être à l’affut de tous les points d’eau et de remplir alors toutes mes bouteilles.
Après une halte « deuxième-petit-déjeuner » au refuge des Merveilles aux alentours de 10h, je décide de continuer mon chemin, et de quitter cette vallée grouillant de groupes de touristes-marcheurs de plus de quinze personnes. Je me dirige ainsi vers le Pas du Diable, situé à 2’436m et qui portant plutôt mal son nom…
Une rencontre inattendue…
Comme à mon habitude depuis plus de deux semaines, je grimpe au sommet du col d’une traite, à un rythme très appuyé. Les bâtons, que je n’utilisais pas avant cet été, me sont d’une grande aide. Ils me permettent de me hisser, de soulever à chaque pas la partie supérieure de mon corps en minimisant l’effort fournis par mes jambes. Ainsi, mes bras, poignets et épaules travaillent tout autant que mes cuisses et mes genoux. En arrivant au col, je suis subjuguée par la vue qui s’offre à moi. Enfin la mer !
A plusieurs kilomètres de mes pieds, à deux ou trois jours de marche : la mer ! Quelle récompense de voir son but surgir ainsi derrière les montagnes. Je me souviens, lorsque jusqu’à pas si longtemps nous descendions dans le sud de la France en famille : au détour d’un virage, la mer apparaissait d’un coup. Nous la regardions quelques secondes, puis, continuions nos lectures. Cette fois-ci, je ne la quitte pas des yeux, et j’ai l’impression de la mériter, c’est ma récompense !
A quelques mètres un couple casse la croûte dans l’herbe. L’homme, la cinquantaine, est allongé sur le dos, des bouts de fromages perdus dans sa barbe. C’est la femme, d’une trentaine d’année, qui les lui coupe et lui parle en anglais. Je m’approche d’eux car leurs gros sacs m’avertissent qu’eux aussi viennent de loin. J’entame la discussion en anglais :
Moi: – Hello! Is it the sea? That’s amazing!
La femme: – Yes it is! It’s so nice! Where are you from?
Moi : – I’m from Lausanne, I left Switzerland 17 days ago. And you?
La femme : – We’ve been walking for 2 months !
A ce moment là, l’homme se redresse, et son visage me rappel quelqu’un…
L’homme: – Tu parles francaise? Je suis de Genève.
Moi : – Je suis de Lausanne. Comment t’appelles-tu?
L’homme : – Claude
Moi : – Vous n’êtes pas Claude Marthaler par hasard ?!
L’homme : – Si, c’est moi. Tu me connais ?!
Quelle surprise ! Durant cette marche, je me suis souvent comparé, identifié, inspiré de Sylvain Tesson, l’écrivain-voyageur que je préfère. Sa philosophie, sa simplicité, et ses textes très soignés me touchent énormément. Mais lors de mes tours en vélo, je pense souvent aux deux livres écris par Claude Marthaler, grand cyclo-voyageur genevois. Lui, il n’a rien a envié à Sylvain Tesson : il a un style bien à lui et ses livres sont plein d’anecdotes, d’informations utiles et de jolies photos. Son premier livre raconte son tour du monde de sept ans effectué à partir du milieu des années 90, et le deuxième, un voyage de trois ans entre l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, l’Himalaya et l’Asie du Sud-est. Quelques mois auparavant, je m’étais rendu avec ma maman à l’un de ses diaporamas à Genève, et j’avais été heureux de « vivre » son dernier voyage pendant les 1h30 de présentation. Cette rencontre, au sommet d’un col anodin des Alpes est pour moi une sorte de cerise sur le gâteau ! Quel hasard de le rencontrer si près du but !
Nous nous séparons après avoir discuté environ 15 minutes pour partager nos sentiments sur la fin de ce parcours, et échanger les informations que nous avons concernant cette dernière ligne droite Ils n’étaient pas au courant de l’absence prochaine d’eau sur plusieurs kilomètres.
C’est l’heure du grand plongeon : 2100m de dénivelés négatifs. Je me situe à presque 2’450m, et la ville de Sospel à 350m. A priori, je ne compte pas m’y rendre ce soir, car elle est bien trop distante. Je fais donc une pause juste avant le dernier point d’eau afin d’être en forme pour entamer cette longue descente en plein cagnard. Je découvre au fond de mon sac un paquet de nouilles chinoises instantanées que je cuisine rapidement sur mon réchaud.
Je vois au loin Claude et Ellah, sa jeune compagne, qui s’éloignent. Pourtant en allant vers le soi-disant dernier point d’eau avant Sospel, je la trouve en train d’attendre sur le bord du chemin. Elle me dit que Claude cherche depuis plusieurs minutes de l’eau, et que ne le trouvant pas, s’est finalement résolu à aller remplir leurs nombreuses gourdes dans un ruisseau situé loin en aval. Lorsqu’il revient, il me dit qu’il a prélevé largement assez de liquide pour nous trois. Sachant qu’ils sont à cours de vivres, je leur propose des biscuits, du chocolat (M-Budget !!) et un peu de fromage. La symbiose est parfaite, nous décidons de faire équipe jusqu’à Sospel ! Nous marchons donc toute l’après-midi à la queue-leu-leu.
Ellah est danoise et a 32ans, et a rencontré Claude au Laos lors de son dernier voyage. Elle est très sportive, elle fait des marathons, et projette sûrement de venir s’installer à Genève. Claude, n’a pas prévu de voyages en particuliers. Il pense peut-être rester sur Genève quelques années, surtout si Ellah vient s’installer. Ils sont partis il y a deux mois du Col du Grand-Saint-bernard, sont remontés au Nord vers le Lac Léman, puis ont suivis le tracé du GR5. Ils ont pris un peu plus leurs temps que moi, n’hésitant pas à rester plusieurs jours au même endroit. Le poids de leurs sacs est considérable, celui de Claude dépassant les 26kg !
La descente jusqu’à Sospel est éprouvante ! Lors de ces 6 heures de marche en plein soleil l’eau vient finalement à manquer. Lorsque la nuit tombe, on aperçoit les lumières de la ville au loin. Très vite la discussion tournes autour des plats que nous aimerions manger. Je leur parle d’une des spécialités de la région : les ravioles à la niçoise. Mon ventre hurle !
C’est finalement à 21h30, les pieds en sang que nous arrivons dans la vieille-ville. Nous dénichons un restaurant et y dégustons ravioles gratinées, pizzas, desserts…etc. Une fois rassasiés, nous nous rendons au camping municipal, et y entrons discrètement pour y planter nos tentes et utiliser les installations. La douche que je prends alors fait partit du Top 5 des meilleurs moments de ma vie !! Cette journée m’a vraiment tué : plus de 15h passés sur le GR5, avec à peine 3h de pauses cumulées en tout, et plus de 3’110m de dénivelés négatifs ! Mes pieds ont vraiment soufferts.
Fin du voyage
Le lendemain nous levons vite les voiles. Le camping ouvre, et nous voulons éviter croiser le responsable des lieux. 6 Euros la location de 1.50m2 de terrain pendant à peine 7h, c’est exagéré non ? 😛
Nous pensons que cette dernière étape ne sera qu’une formalité, mais il nous faudra quand même 7h pour gravir les deux derniers cols avant Menton. La chaleur est écrasante, et ne nous facilite en rien la tache. Au Col du Berceau, à 1’090m, je laisse à Claude et Ellah un peu d’intimité et contemple la vue de mon côté. Le changement de paysage est radical, c’est étonnant de ne pas avoir une montagne en face. Cette soudaine ligne droite et régulière en guise de ligne d’horizon n’est pas habituelle.
Les 1’090 derniers mètres de dénivelés sont éprouvant. Le sol est glissant, et nous nous retrouvons quelques fois sur les fesses. Pourtant, l’ambiance est toujours bonne entre nous, Claude me raconte ses voyages, me conseille concernant le matériel à emporter lors d’un voyage à vélo. Je ne me lasse pas de l’écouter.
À 18h30, le vendredi 21 août, nous atteignons enfin la mer ! On marche sur la plage, deux litres de glaces achetés au supermarché sous le bras. Les gens nous dévisagent, et certains nous demande, d’un air moqueur en regardant nos bâtons : « vous venez pour skier ? ». Nous leur répondons : « Non, nous venons de Suisse à pied !». 😀
Nous nous installons sur rochers, au bout d’une digue à quelques centimètres des vagues, pour déguster nos glaces. Un sentiment de plénitude m’envahit. Quelle joie d’arriver ainsi pied au bord de la mer ! Ce moment vaut bien tous les litres de sueurs versés sur ce chemin!
Après avoir fait mes adieux à Claude et Ellah, je me dirige vers la gare, à quelques mètres de la frontière italienne, que j’ai frôlée tout au long du trajet sans jamais la traverser. Non mais ! Ils n’avaient cas pas nous volé la coupe du monde il y a 3 ans!! Je prends le train en direction de Golfe Juan, où vit ma grand-mère. Je débarque à 21h30 à l’improviste ! Quelle surprise ça lui fait, elle ne m’attendait pas si tôt. S’en suivent 10 jours ou je serai chouchouté et remplumé. Entres excursions d’une journée, après-midi à la plage, et soirées-télé mes activités changent drastiquement et je me refais une santé.
Je rentre 10 jours plus tard en Suisse. L’avion met 25 minutes pour survoler les Alpes. Je distingue certains massifs qui m’ont tenus compagnie des jours durant. Je m’imagine il y a quelques semaines, telle une fourmi, slalomant entre les pics, dévalant les versants, trimbalant ma maison sur le dos. Souvent, j’ai observé ces avions me survoler, imaginant toutes ces personnes bien assises dans une cabine climatisée. Aujourd’hui, c’est moi qui suis dans le ciel…
Quelques chiffres
Plus de 600km répartis en 18jours (plus un de pause à Aussois), pour un total de 130h de marche.
31’240m de dénivelés positifs, (maximum 3’060m le 11e jour)
30’440m de dénivelés négatifs, (maximum 3’115m le 17e jour).
Entre 45 et 50 cols, la plupart à une altitude située entre 2’000 et 2’500m. Les noms sont souvent marrants :
Col de la Sauce,
Col du Tricot,
Col du Bonhomme,
Col du Berceau,
Les Crottes,
Les Trucs…etc
Point culminant du trajet : Le Mont Thabor, le 9e jour à 3’178m
et …. 5 kilos perdus!
Et pour finir, voici 4 cartes tirées du site Mountain is Good: