Chapitre 11: Bye bye Mauritanie!
Nouakchott, à l’instar de Nouadhibou, a des airs de paradis. Pas exactement pour les mêmes raisons, car c’est une ville grouillante et sans grand intérêt qui a supplanté le décor unique de la Baie du Lévrier et du Cabanon 3. Seulement voilà, imaginez une grande maison avec des ventilateurs. Dans le hall d’entrée trône une table de ping-pong et à deux pas de ma chambre se trouve un frigo remplit de bières belges. Pour finir, Manu possède une bibliothèque monstrueuse, certainement la mieux fournie du pays concernant les ouvrages mauritaniens !
Le lundi 3octobre, j’arrive vers 16h30 à Nouakchott, après une journée de 110km où je passe mon, attention… 5’000ème kilomètre depuis Lausanne !!! Je retrouve Manu qui m’escorte jusqu’à leur maison. Il m’avait averti il y a quelques jours à Nouadhibou : « Tu verras, avec le boulot de Tom on a une immense maison. C’est quand même à la limite du raisonnable … ». C’est vrai que cette maison a des allures de palais. Une immense terrasse, un jardin très vert, une cuisine bien garnie, de nombreuses chambres d’amis…etc. Manu et Tom vivent ensemble à Nouakchott depuis le début de l’année, et avant cela ils vivaient en Belgique. Tom travaille au sein de la délégation de la communauté européenne en Mauritanie. Il est anglais d’origine et a rencontré Tom à Pau il y a environ 10 ans à l’université. Manu est professeur de littérature mauritanienne francophone à la fac de la capitale. Il écrit aussi des chroniques littéraires dans un journal local. Comme il passe beaucoup de temps à travailler à domicile, c’est lui qui me fait découvrir la ville. Je lui pose aussi de nombreuses questions sur la littérature mauritanienne que je ne connais pas du tout. Par exemple, j’apprends que la poésie est un art extrêmement populaire chez les jeunes. Parfois, ils se retrouvent et font des Battle de poésie ! Malheureusement, les publications de textes sont souvent faites à l’arrache. La relecture est partielle (comme sur 20kmh.net!) et de nombreuses fautes de mise en page, d’orthographe et de syntaxe se trouvent dans tous les ouvrages ! Suite à ses conseils, j’achète deux livres du cru. Je vous en donnerai des nouvelles !
Alors que je m’installe, je réalise à quel point ma situation est insolite ! Je suis en République Islamique de Mauritanie, et je loge chez un couple gay au frigo remplit d’alcool et de saucisses de porc confites et pour couronner le tout, mon visa est expiré ! Quand je pense à toutes les personnes qui m’ont imploré de zapper la Mauritanie, je ne regrette en rien mon choix de traverser ce pays malgré tout.
Durant ce séjour, je vais rencontrer une partie de la scène des expatriés européens de Nouakchott. Certains bossent pour des ONGs, d’autres pour les ambassades ou tiennent des restaurants. Je retrouve aussi Saleck et Fé que j’avais déjà rencontré à Nouadhibou. Ne trouvant pas d’autocollant du drapeau Mauritanien (je colle les drapeaux de chaque pays traversés sur mon vélo), Saleck me donne un sticker de l’association de protection des ânes battus pour laquelle il travaille. C’est vrai que mon vélo, avec tout son barda, à un peu des allures d’âne surchargé (je ne le bats pas, rassurez-vous)!
Le thé : le « whisky mauritanien »
Le séjour se passe pour le mieux, malgré la chaleur qui est bien là. Celle-ci rend les déplacements en ville fastidieux tant mon t-shirt se retrouve trempé rapidement. Je profite aussi de ce temps d’arrêt pour faire quelques emplettes. J’achète notamment le nécessaire pour faire le thé mauritanien. Ici, ils carburent au thé ! À longueur de journée, ils sont autour de leurs gros réchauds à gaz surmontés d’une petite théière. Ils passent de longues minutes à préparer cette mousse qui caractérise si bien cette décoction super-énergétique !
Théière, petits verres, sucre, thé, menthe : j’ai tout ce qu’il faut, reste à savoir le faire ! Cher est un des quatre gardes qui surveille la maison. D’après Manu, c’est celui qui fait le meilleur thé. Avec un plaisir immense il m’accueille dans son poste de garde et me dit comment faire : « Alors tu prends le thé – Tu verses la moitié du paquet de thé dans la théière – tu mets deux verres d’eau si tu veux servir le thé à 3 personnes – tu mets le sucre (beaucoup!), la menthe, on chauffe lentement…etc. » Le moment critique dans la préparation du thé, c’est vraiment la confection de la mousse. Celle-ci occupe la moitié du verre. Elle doit être dense, très consistante. Pour la faire, il faut faire passer le liquide d’un verre à l’autre. Cela peut prendre plusieurs minutes, et moi, j’en mets la moitié à côté ! Pour accélérer les choses, Cher prend le relais et m’aide un peu. Nous trinquons enfin après vingt minutes de préparation. L’opération se répète 3 fois. Le premier thé étant le plus fort de tous, les deux autres plus sucrés. Cet échange avec Cher était vraiment super. Dorénavant je penserai à lui à chaque fois que je me lancerai dans la préparation d’un thé mauritanien.
Pour mon départ, Tom et Manu veulent faire les choses bien. Ils me demandent ce que je veux manger, sans hésiter je demande une sole/ purée au pilon. Quel repas ! Ils invitent quelques amis pour partager ce repas, Saleck et Fé se joignent une dernière fois à nous. Les soles sont superbement préparées, et la purée est comme je les aimes, et attention: je m’y connais ! Bien sûr en apéro, j’ai eu le droit à une dernière Gueuze, pour la route. Le lendemain je quitte cette joyeuse bande de Nouakchott que j’espère revoir un jour. Il me reste moins de 300km pour rejoindre le Sénégal : en route !
Rosso
Cette route du sud de la Mauritanie ne présente pas grand un intérêt. Peu à peu les arbres apparaissent, les paysages deviennent plus verts, et les bords de routes sont plus peuplés. Des gamins me gueulent « donne-moi cadeau ! » à chaque fois que je passe à proximité. Un d’eux me jette un bâton qui ne m’atteint heureusement pas. Je trace, sans essayer de m’arrêter dans les villages.
Je passe toutefois un très bon moment à 70km au sud de Nouakchott. N’ayant pas de quoi pique-niquer, je décide de m’arrêter à la première proposition de repas venant d’une des tentes de nomade bordant la route. Alors que je pédale à vive allure et le ventre vide, j’entends une femme crier « Monsieur ! Venez manger? » Comme convenu avec moi-même je m’arrête, m’attendant à ce que des gosses viennent m’assiéger en me demandant des cadeaux. Rien de tout ça, j’entre sous la tente, quatre enfants de 1 à 9 ans piochent calmement dans grand plat de riz posé sur le sol. Il y a la dame qui m’a appelé, mais aussi son jeune frère de 25 ans et une autre dame, plus discrète. Je suis convié à partager leur repas. D’emblée je veux mettre les choses au point concernant les prix, je ne veux pas me faire avoir comme un bleu. Ça va faire bientôt 2 mois que je suis en Afrique et je sais qu’il faut demander les prix AVANT ! Mais là je suis surpris, c’est une réelle invitation ! Nous passons un bon moment ensemble, au frais sous cette tente. Je leur parle de mon parcours en Mauritanie, des montagnes suisses (la neige : de la science-fiction ici!) …etc. Le jeune sort sa radio, il a quelques chansons locales sur une clé usb et me les fait écouter. Fièrement il me fait aussi écouter Phil Collins, Michael Jackson, Céline Dion ainsi que la chanson du Titanic en Arabe!
C’est dans ces moments paisibles qu’il est difficile de retourner dans la fournaise et de reprendre la route. Néanmoins, c’est ce que je fais. A chaque village je dois faire face à ces nuées de gosses insupportables qui me prennent pour le Père Noël. L’un d’eux va même jusqu’à me chaparder mon petit drapeau mauritanien que j’avais accroché à l’arrière de mon vélo et qui faisait sensation dans tous les postes de contrôles que je traversais…
Après une dernière nuit dans le sable, j’atteints Rosso. Celle ville est souvent décrite comme un nid de pickpockets, de voleurs, d’arnaqueurs et de douaniers verveux. J’appréhendais un peu. Arrivant à l’heure du midi, je m’arrête dans une gargote pour manger un dernier bout de chameau. Aussitôt, un sénégalais à l’allure sympa s’approche. Il s’appelle « Michel, euh, Mickaël ». Il dit avoir beaucoup voyagé dans toute l’Afrique et connaît très bien les données géographiques des pays alentours. Il me les récite comme s’il lisait une encyclopédie à voix-haute. Aussi, il aime bien les européens qui voyagent à vélo (tiens donc) et me propose de traverser le fleuve Sénégal avec moi pour éviter tous les problèmes. Je suis méfiant, lui demandant son prix, il me ressort tout un speech sur l’amitié et les liens du cœur, bref un Aziz de Tanger junior tout craché (cf. chapitre 5) !
Je pense m’être débarrassé de lui quand je passe le premier contrôle de gendarmerie. Là, sous l’œil inquisiteur des officiers, nous nous serrons la main et nous disons au revoir. Mais cela n’est que du cinéma pour détourner la vigilance des gendarmes, car à peine quelques minutes plus tard, je le retrouve de l’autre côté, près de l’embarcadère. Il a l’air soucieux, car ici les concurrents charlatans sont nombreux. On vient me proposer entre autre du change ou une pirogue pour traverser le fleuve Sénégal qui fait office de frontière. Je décide de continuer à faire confiance à Michel. Je lui donne 1000 francs CFA (2€) pour qu’il négocie la traversée du fleuve auprès des piroguiers. Pendant ce temps, je donne mon passeport aux douaniers qui me font un tampon de sortie du territoire sans même me poser des questions concernant mon visa expiré depuis plusieurs jours ! Ça ne valait vraiment pas la peine de s’en inquiéter!
J’attends quelques minutes, mais au bout d’un moment, je suis forcé de constater que Michel ne revient pas ! Et voilà, me dis-je, il a disparu avec mon argent, je n’aurai jamais du lui faire confiance… Alors que je me dirige vers le groupe de piroguiers, un type vient vers moi : « Michel est arrêté par la police, viens le libérer ! ». Je le suis jusqu’au bâtiment des policiers où je gare mon vélo. On me dirige dans une petite salle sombre où Michel se tient debout, entouré de plusieurs policiers bien balèze. Le chef m’interpelle :
« – Est-ce que vous connaissez ce voleur ? Il vous a prit 1000Frcs !»
– Euh oui, c’est mon guide, c’est moi qui lui ai confié cet argent…
– Vraiment ?! et c’est vrai que vous l’avez appelé de France pour réserver ses services ? »
Oula, mais dans quoi je me suis mis moi, qu’est ce qu’il est allé leur raconter ? Je réponds oui pour prendre sa défense. Aussitôt, ils nous relâchent. Ouf…
La traversée en pirogue ne dure que 5minutes, et Rosso-Sénégal semble tout aussi inhospitalière que sa jumelle mauritanienne. Sans m’attarder, je me dirige vers la sortie de la ville avec Michel. Au moment de nous séparer, je suis surpris de constater qu’il ne me demande rien ! Je sais qu’il attend quelque chose, mais sa passivité me laisse perplexe ! Je lui donne finalement quelques petits billets pour le remercier de ses services. Nous nous séparons bons amis.
Il est 14h, nous sommes le vendredi 7 Octobre, et je lance mon vélo à toute allure sur la route défoncée menant à Saint-Louis.
A suivre ….
Chapitre 10: « through the desert on a bike with no name »
Co-voiturage vers la Mauritanie
On est le 27 septembre, je dois faire un nouveau choix. Mon Visa Mauritanien finit dans une semaine, et je me trouve encore à 300 km de la frontière. Une fois en Mauritanie, j’ai 500 km à faire pour atteindre la capitale Nouakchott pour pouvoir espérer prolonger un peu mon visa, suffisamment en tout cas pour atteindre en vélo la frontière sénégalaise. Du coup, je décide de rejoindre Nouadhibou, la première ville mauritanienne, en voiture. Me voilà donc en route pour la Mauritanie, et de nouveau à bord d’un véhicule motorisé! Certains y verront une marque de faiblesse, de la triche, de la paresse. Il faut savoir que là je suis réellement embêté de snober les 300km restant de Sahara Occidental. En plus, avec le vent qui souffle, j’aurai une fois de plus pu avancer à vive allure! Bon, pour me consoler, je vais profiter de l’invitation de François, franco-suisse rencontré sur la route, dans sa super maison à proximité de Nouadhibou. 🙂
Le trajet entre Dakhla et la frontière mauritanienne est long et monotone. Etrangement, je trouve ça moins casse-pieds d’être dehors à pédaler. Je suis à bord d’une voiture mauritanienne, une vieille Mercedes, et mon vélo est casé dans le coffre, dépassant des deux côtés. Pourvu qu’il ne s’accroche pas au premier camion que nous doubleront! Souiran, le chauffeur est un peu lunatique. Je le trouve tantôt très amical, tantôt bizarre. Je suis méfiant, je me rappelle la fois où, en Albanie, un chauffeur verreux nous avait arnaqué copieusement avec Robin. En route, nous ramassons un autre voyageur marocain qui s’occupe de faire le thé dans la voiture. En continu, nous buvons de ce breuvage qui, en descendant vers le Sénégal, s’intensifie, s’assombrit, et se couvre d’une écume toujours plus dense et épaisse. Le rituel de préparation devient aussi de plus en plus long, en Mauritanie, il faut bien compter 1h pour boire les trois thés réglementaires !
No Man’s Land
A 16h, c’est le point phare de cette journée: le passage de la frontière entre le Maroc et la Mauritanie. Les deux pays sont séparés d’un No Man’s Land d’environ 6km. Cette bande de terre est lourdement minée, et des voleurs l ‘arpente nuit et jour. Pour compliquer le tout, la route disparaît et est remplacée par une piste en piteux état! Après être passé dire bonjour aux gendarmes, aux policiers et aux douaniers, nous nous élançons sur cette piste jalonnée de cadavres de véhicules. Le chemin n’est pas toujours clairement indiqué, et ce qui devait arriver arriva: nous prenons un mauvais embranchement et nous nous ensablons! Aussitôt, des enturbannés apparaissent. Que nous veulent-ils, et mon vélo, va-t-il attirer leur attention?? Finalement, tout se passe bien. Deux d’entre eux sont des chauffeurs d’un autre camion: solidarité « chauffeurienne »! En revanche, deux autres ont l’air beaucoup plus louches, surgissant de derrière une dune. Ensemble, nous poussons la voiture, dégonflant les pneus. On essaye de trouver une adhérence, une accroche. Finalement, après une vingtaine de minutes d’effort, la voiture avance de 10m! Le moteur chauffe, 120°C, il faut attendre, trouver de l’eau pour refroidir le tout. Deuxième acte : on pousse encore plus fort. Cette fois-ci, c’est plus facile, la voiture jaillit du sable, et enturbanné (le plus louche de tous) qui est au volant part à toute allure, nous laissant tous plantés sur place. « Mon vélo »! (avec la voix de Bourville dans La Grande Vadrouille). Quelques instant de semi-panique, mais heureusement, c’était une farce, le chauffeur s’arrête 100m plus loin. Peu à peu la frontière Mauritanienne se dessine, les uniformes changent, et là …
Nouadhibou
…Ça y est, je rentre en Mauritanie! Je suis excité car je ne connais rien de ce pays, si ce n’est pour sa réputation de pays hautement à risque. Al Qaida au Maghreb Islamique, prises d’otages, les événements des dernières années ont fait une très mauvaise publicité au pays. Afin de prendre la température, je fais donc étape à Nouadhibou, chez François, au « Cabanon 3 ».
Nouadhibou, à l’instar de Dakhla, est situé sur une presqu’île qui s’enfonce dans l’Océan Atlantique sur une cinquantaine de kilomètres, parallèlement à la côte. La maison de François est située à dix kilomètres de la ville, les pieds dans l’eau. Elle est orientée vers le continent, côté lagune. Ici, on est loin de tout complexe touristique classique, il s’agit plutôt d’un mixte entre auberge, maison d’hôte, et base de loisirs à usage des aventuriers! Pour trouver le Cabanon 3, il vous faut emprunter une piste de dix kilomètres (quand celle-ci n’est pas inondée par la marée), traverser un bidonville et slalomer entre les ornières pleines de sable pour rejoindre ce mini-hameaux paradisiaque. Et si la marée vous coupe du monde, vous pouvez toujours rejoindre la ville en bateau! François a une spécialité, ce sont les raids en motos, en 4×4. A 22 ans, il est parti avec des copains faire une boucle dans toute l’Afrique de l’Ouest. Avec les quelques motos à disposition dans le garage, il propose plusieurs circuits dans tout le pays, que ce soit dans les dunes de l’Adrar ou dans le parc côtier du Banc d’Arguin. Mais ce n’est pas tout, il organise aussi des treks côtiers autour de l’immense et magnifique Baie du Lévrier. Les marcheurs évoluent sur le sable, pieds nus, pendant plusieurs jours dans un décor somptueux! Ce type de parcours correspondrait parfaitement aux amateurs de pêche car l’eau y est extrêmement poissonneuse, et c’est un vrai régal que de cuisiner sur un feu sa courbine. Malheureusement, ce n’est pas facile de faire venir des gens quand le site internet de la diplomatie française annonce la Mauritanie comme étant un pays extrêmement dangereux où tout le monde peut se faire kidnapper n’importe quand !
A la base, je ne voulais pas abuser de l’hospitalité de François, et je ne comptais dormir qu’une nuit, mais finalement je reste 3 nuits au Cabanon! Comme à Tiznit, à 1400km, je souffle. Je fais ma lessive, Philou m’aide à laver ma chaîne de vélo, je rattrape un petit peu mon retard de rédaction…etc. Le deuxième jour arrivent deux couples de Nouakchott qui profitent d’un week-end prolongé pour se ressourcer au Cabanon: Tom/Manu et Saleck/Fé. Nous faisons connaissance, puis sympathisons autour d’une partie de Uno nocturne. Tom est anglais et travaille au sein de la commission européenne d’aide au développement. Manu est professeur à la fac de Nouakchott, c’est un expert de littérature mauritanienne francophone. Saleck est mauritanien, et sort avec Fé, franco-allemande, qui vit à Paris. Lors des repas, de nombreuses discussions et débats concernant la Mauritanie et la région saharienne m’apprendront énormément sur la politique, l’histoire et les compositions ethniques de cette région du globe.
D’après eux, le pays est relativement sûr, en tout cas pour ce qui est de la partie côtière de la Mauritanie. Je n’ai donc rien à craindre entre Noadhibou et Nouakchott. Suite aux enlèvements d’occidentaux perpétrés par Al Qaida au Maghreb Islamique il y a quelques années, le gouvernement a mis en œuvre des mesures drastiques pour chasser les terroristes du pays et assurer la sécurité des voyageurs. Je vais bientôt pouvoir en faire l’expérience!
Nouadhibou-Nouakchott au fil des checkpoints
Je profite du départ des 4 compères pour me faire déposer au niveau de la frontière marocaine. Reconnaissant, je quitte François et Philou. J’espère les revoir un jour, à Genève, à Chamonix, ou ailleurs.
30 septembre, 12h30, me revoilà sur la route. Cette fois il fait chaud, et le vent pour se venger de mon infidélité, a tourné. Faché du fait que je lui ai préféré une voiture il y a quelques jours, il a décidé de changer sa direction: pendant 4 jours, le vent ne sera plus un allié, mais un ennemi à combattre.
François m’annonçait cette partie du Sahara comme étant un Must. Eh bien, c’est le cas ! Le désert commence en étant très jaune, plein de sable, et … très désert ! Pas grand monde, de la chaleur, du vent de face. C’est bien, je ne m’imaginais pas une traversée facile du Sahara. Mais au bout de 200km, les dunes se voient couvertes de quelques touffes d’herbes, de quelques buissons. En se rapprochant de Nouakchott, on se rend bien compte que la saison des pluie vient de se terminer, les paysages sont magnifiques tant les verts sont variés et contrastent avec les jaunes-orangés des dunes . Le premier jour de cette traversée, je profite d’une tente de nomade plantée à côté de la route pour faire baisser la température de mon corps. La dame qui tient cette tente me propose une grosse platée de riz/poisson pour 500 Ouguya (un peu plus d’1€), ainsi que du thé. J’accepte. Dorénavant, je suis à l’affût de ce genre de tentes/restaurants. Ils constituent une pause bienvenue.
Alors que la nuit s’apprête à tomber, je repère deux buissons qui pourront me protéger du vent. Je plante donc ma tente à proximité en prenant soin de bien l’orienter. En effet, le vent soulève des grains de sables qui, passant sous ma toile de tente, viennent buter contre la moustiquaire. Celle-ci fait office de tamis et laisse passer les grains de sables les plus fin. En cas de mauvais calcul, je me trouve, au matin, recouvert d’une fine poussière blanche et j’éprouve de la difficulté à respirer avec le nez !
Bref, je campe entre ces buissons, tout va bien quand j’entends une voiture se rapprocher. Un coup d’œil dehors : des phares se dirigent à toute allure vers ma tente. Je mets mon t-shirt, attrape mon passeport et ma balise Spot, au cas où (genre Al Qaida enlève les gens sans les fouiller…). C’est la gendarmerie, ouf ! Un officier sort, vêtu d’un boubou il m’annonce :
« – vous êtes en zone à risque monsieur, c’est pas bien de camper ici !
– Pourtant je suis caché ici, non ? Comment vous m’avez trouvé?
– On voit les bandes réfléchissantes de votre vélo depuis la route, il faut venir avec nous ; on va vous déposer en lieu sûr. »
Il est 23h, Je remballe tout mon matériel, range ma tente que j’ai si soigneusement planté, et monte dans leur pick-up. 10Km plus loin, ils me désignent une zone »sûre ». Pour veiller sur moi, ils montent un barrage routier, et restent à proximité de la tente toute la nuit ! C’est pas tous les pays qui veillent ainsi sur les voyageurs !
Le lendemain, tous les 50km, je rencontre une autre patrouille, qui contrôle les passeports des routiers. Tous sont sympathiques, ils s’appellent de postes en postes, demandent aux voitures qui passent s’ils ont vu un toubab à vélo, bref, je suis le feuilleton de l’été! Un soir, je partage leurs nouilles au méchouis, un midi, je cuisine des lentilles sous leur tente. A chaque fois, je passe de bons moments en compagnie de ces jeunes gendarmes souriants.
Les usagers de cette route sont aussi très sympathiques. De temps en temps une voiture s’arrête, et on me demande si j’ai besoin de quelque chose. Souvent, j’accepte une bouteille d’eau. Scène irréelle le deuxième jour. Un pick-up s’arrête et un mauritanien grisonnant sort de la voiture. Sont boubou virevoltant autour de lui, lui donne des airs d’empereur du désert. Il tient entre ses mains une cocotte-minute. Il l’ouvre devant moi, et avec un grand sourire me tend un bout de dromadaire sanguinolent ! Quelle générosité ! Mais, je dois refuser, ce bout de viande ne m’inspire pas confiance. Je prétexte un manque de place dans mes sacoches. Il retourne vers sa voiture et arrache le paquet de biscuit des mains de sa femme (qui ne veut pas le lâcher) et va chercher une bouteille d’eau. Cette fois-ci, je ne fais pas la fine bouche, j’accepte avec le sourire !
A propos de viande, tous les kilomètres une odeur nauséabonde envahit mes narines : une carcasse ! J’en croise depuis la Suisse, plusieurs dizaines par jour. Elles sont de précieuses sources d’informations. Grace à elles, je peux notamment établir un petit inventaire de bêtes peuplant les contrées que je traverse. Actuellement je croise beaucoup de gerboises, de chèvres, de poissons (!?), d’ânes, de vaches ou même de dromadaires ! Malheureusement toutes ces jolies bestioles sont écrasées et en cours de décomposition!
Au fil de ces charmantes rencontres, la route se poursuit pendant 4 jours, et 450km. Le trajet est plus éprouvant que dans le Sahara Occidental, mais je sais qu’au bout je vais avoir une récompense de taille ! Et pour cause, à Nouakchott Manu et Tom m’attendent avec un frigo rempli de bière belges !
A suivre ….