Chapitre 24: Namaste Sagarmatha! partie 1
Namaste Sagarmatha, Tashi Delek Chamolungma, Salut à toi Mt Everest, Ave Everestus!
Adios Vietnam, au revoir Stéphane, Benoît et la famille Duteurtre. Merci à tous pour votre accueil et votre compagnie. En sautant dans l’avion, puis en atterrissant à Kathmandu, je me jette dans un autre monde! Mon vélo, ô surprise, arrive saint et sauf à Kathmandu alors que j’ai usé de diverses ruses et filouteries à Hanoi pour ne pas payer le surplus de 20kilos que celui-ci représente. Mon excitation est grande: le Népal, j’attendais ça avec impatience, quelle joie d’y arriver enfin! Dans l’aéroport, je chante à tue tête, je me jette dans les bras des vieilles dames qui attendent leurs bagages, je lance des bonbons en l’air que les enfants s’empressent d’aller ramasser. Quand viens mon tour, je tends mon passeport à Mr Visa en lui gratifiant de mon plus beau sourire. ”I will stay 30 days in your wonderful country My friend!” Le visa est collé, le passeport rendu, je peux entrer officiellement au Népal, et vérifier par moi même si le pays est véritablement ”wonderful”. En assemblant mon vélo devant l’aéroport, je suis régulièrement interrompu par les nombreux chauffeurs de taxis qui proposent leurs services à la sortie du bâtiment. Généralement ces personnes représentent le pire accueil que peux réserver un pays aux touristes et voyageurs. Souvent, ce sont même eux qui ont l’honneur de vous proposer une première arnaque. En revanche, mes amis taxiwallahs, comprenant que je ne suis pas une cible comme une autre, me lance des ”welcome in Nepal !”, me donnent quelques précieux conseils sur la circulation et m’indiquent la direction jusqu’au centre-ville des backpackers: Thamel. Plus heureux que jamais, je donne mes premiers coups de pédale népalais en fin d’apres-midi de ce samedi 17 mars 2012.
Thamel parmi les hippies-backpackers-touristes et vers Shivalaya en mode cycliste
Saturation de piétons, de deux-roues, de piétons, de vendeurs, de touristes, de micro-particules, de trekkeurs, d’hôtels, de restaurants, de magasins d’articles d’alpinisme, de klaxons, de dealers, de cris, de sourires et de pleurs: voilà comment décrire brièvement le quartier de Thamel. Je suis tellement impatient de me lancer sur les routes puis les sentiers du pays que je ne vais y rester que deux petites nuits, le temps de me mettre en règle ( permis de trekking) et de parfaire mon équipement. Je découvre aussi les spécialités culinaires locales: en mangeant un plat de momos dans un petit restaurant, je croise la route de Pierre, artiste peintre parisien qui a aussi le viseur sur le Mt Everest. Partant avec quelques jours d’avance, il est néanmoins possible que nous croisions plus tard. Plusieurs kilos de superflus laissés entre les mains du roi de Prince Hôtel, digne de confiance je l’espère, je commence mon épopée vers le pied du toit du monde. Everest, me voilà!
Toujours plein d’entrain et de bonne humeur, je fais ma première véritable erreur de navigation. Perdu pour la premiére fois, je fais un détour de 7km qui me permet de visiter un quartier charmant: Patan. Erreur corrigée, je mets mon cap à l’Est, vers le village de Shivalaya à deux cents kilomètres. En me lançant sur les routes népalaises, je dois avouer que je suis intimidé. L’Himalaya, ce n’est pas rien! Les dimensions sont gigantesques, les montées sont interminables, et la largeur de la route moindre. L’effort physique est au rendez-vous, et les frayeurs aussi. Les 4500m de dénivelés positifs en 3 jours sont peut-etre pas loin de m’achever, mais ce sont surtout ces bus fous qui devallent les côtes à toute allure et chargés d’une vingtaine de personnes sur leurs toits qui sont proche de mener à bien cette tache. Parfois, ce sont les enfants qui jouent avec mes nerfs, marchant à mes côtés sans se presser (eh oui, il est rare que ma vitesse excède les 7kmh), pendant une ou deux heures en me demandant de toutes les façons possible des stylos, du chocolat (si seulement j’en avais, ne serait-ce que pour me booster), ou des dollars. Mais rien de tout ça n’entamme ma bonne humeur, surtout quand au levé, je constate à travers la toile de ma tente que j’ai le droit à un comité de réveil qui m’apporte des biscuits pour mon petit déjeuner!
Il me faut trois jours pour rallier Shivalaya, ville d’où je commence ma marche. Mon arrivée à vélo fait sensation aussi bien auprès des népalais que des futurs trekkeurs. Les cyclistes ne doivent pas être nombreux dans le coin, surtout que pour arriver dans ce village qui, alors, me semble être le bout du monde, il faut emprunter une piste ultra-cabossée et vertigineuse par endroit sur plus de 20km. Toujours impatient de retrouver ces sensations de la marche qui me manquent tant, je ne perds pas de temps. Arrivé en fin d’apres-midi, épuisé après ces 3 jours de montées sans pitié, je pars à la recherche d’un ”bikesitter” pour veiller sur mon vélo pendant mon absence. Finalement, je confie mon deux-roues, ma tente, et encore quelques kilos superflux aux gardes de la réserve naturelle dans laquelle je me situe en esperant tout retrouver dans deux ou trois semaines. La montagne népalaises étant parsemée de »lodges », sortes de guesthouses proposant un lit pour trois fois rien (je paye en général moins de 50cents par nuit), et des plats allant de 1 à 5 € suivant l’altitude à laquelle se trouve ce dit lodge.
Aventures sur le toit du monde, petit descriptif
Tel l’oeil de Sauron dans le Seigneur des Anneaux, l’Everest balaye son regard de plus en plus souvent dans ma direction depuis mon arrivée en Asie. Il m’appelle, il m’atirre, je veux lui répondre, le voir, l’effleurer. Avec ses 8’848m, ses légendes, ses comptes, les exploits de ses alpinistes mais aussi ses morts et ses tragedies, Sagarmatha a tous les arguments pour exercer cette fascination dont je suis victime. Ces hommes qui se lancent à l’assaut de cette montagne sont pour moi des héros. Des héros de l’inutile peut-etre, mais néanmoins, les souffrances et les privations endurées pour d’éventuelles minutes de gloire au sommet de la plus haute montagne du monde n’ont cesse de m’impressionner.
Les premières expéditions pour conquérir le toit du monde datent des années vingt. Le Népal étant fermé aux étrangers à cette époque, les expéditions, britanniques en l’occurrence, rejoignaient Bombay en Inde par bateaux, puis le Sikkim au nord de Calcutta en train. Dès lors, des caravanes de plusieurs centaines de mules et porteurs véhiculaient des tonnes de vivres et de matériel à travers le Tibet afin de rejoindre le versant nord de la plus haute montagne du monde. Véritable expéditions dans l’expédition, rejoindre le pied de l’Everest était alors, et l’est toujours à moindre mesure, un véritable voyage initiatique. D’autant plus qu’il fallait alors trouver une voie d’accès allant jusqu’au pied de la montagne, puis sélectionner une route pour rejoindre le sommet.
La figure emblématique des expéditions de 1921, 1922 et 1924 est celle de George Mallory. Alpiniste phare de l’epoque, il a notament répondu à un journaliste qui lui demandait d’où lui venait cette obsession d’escalader l’Everest: »Because it’s there » (parce qu’il est là). Les recits de ces premières tentatives d’ascension sont passionnantes! Les alpinistes n’ayant pu gravir d’autres montagnes que celles des alpes, se jetaient coeurs et âmes sur les versant de Chomolungma, »Déesse mère du monde » en tibétain. Malgré des vêtements tels qu’on pouvait en trouver à Londres à cette époque (et donc absolument pas adaptés pour lutter contre des températures descendant jusqu’à -50°C), et un équipement rudimentaire par rapport à ceux dont bénéficiaient l’équipe de John Hunt en 1953 lors de la première ascension, Mallory et les siens sont parvenus très haut sur cette montagne. L’usage de l’oxygène était déjà de vigueur, et en 1924, des altitudes faramineuses ont étés atteintes. Norton , un des membres de l’expédition est parvenu, au bord de l’épuisement à environ 8570m avant de redescendre à moitié aveugle. L’assaut qui a suivit est mythique. Mallory lui même s’élance du Camp IV en compagnie d’un jeune novice mais expert dans la manipulation des bouteilles et masques à oxygènes: Sandy Irvine. Le duo est aperçu pour la derniere fois à plusieurs centaines de mètres du sommet, entre les deux principaux obstacles du versant tibetain appelés First et Second Step. Personne ne sait si Irvine et Mallory sont parvenus au sommet ou non. Même si une ascension ne peut pas être déclarée réussie si personne n’en redescend vivant, ce mystère est l’un de ceux ayant fait coulé le plus d’encre dans le monde de la haute-montagne.
Plus tard, en 1999, Conrad Anker, un alpiniste américain de renommée mondiale, a retrouvé le corps de Mallory dans un état de conservation impeccable. Néanmoins, le doute subsiste encore aujourd’hui: Mallory et Irvine sont-ils parvenus au sommet 29 ans avant Hillary et Tenzing Norgay? Pour les curieux, je vous encourage à jeter un coup d’oeil à ce reportage sur la recherche et la découverte du corps de Mallory dont voici la bande-annonce:
http://m.youtube.com/watch?desktop_uri=%2Fwatch%3Fv%3DlpwBQlOSJ3I&v=lpwBQlOSJ3I≷=US
Après plusieurs années de vache maigres, l’aventure himalayenne a repris en 1950, lorsque le Royaume du Népal a enfin ouvert ses portes aux étrangers. L’impensable réussite d’Herzog et Lachenal aux Annapurnas sonne la chasse aux 8’000m. Cette première victoire sur les plus grandes montagnes de la planète sort de nulle part. Herzog , Rebuffat, Terray et Lachenal ont, sans aucune carte digne de ce nom, cherché la montagne pendant plus d’un mois. Avec la Moisson à leur trousse, ils graviront la montagne en moins de deux semaines et perdront tous leurs doigt et orteils à cause du froid. Après ce succès, les 14 sommets de plus de 8000m seront gravit un à un pendant 15 ans: l’âge d’or de l’Himalayisme.
Pour finir avec cette présentation, venons-en à la première ascension du sommet qui nous intéresse: l’expédition de 1953 dirigé par le britannique John Hunt et qui amènera Sir Edmund Hillary de Nouvelle-Zelande et du tibétain Tenzing Norgay au sommet de l’Everest. Cette expédition est une des plus réussie de cette époque. Aucun mort, aucune blessure importante, et surtout la nouvelle du triomphe sur le toit du monde arrivant pile à l’heure pour le couronnement de la Reine d’Angleterre! Les expéditions partant pour la région de l’Everest commençaient leurs voyage à pieds non loin de Kathmandu, passant par Shivalaya, Lukla et Namche. C’est cet itinéraire que j’ai suivi, tantôt à vélo, tantôt à pied. Depuis la construction de l’aéroport de Lukla ( un des plus vertigineux au monde), les trekkeurs ordinaires amputent au trail près de 5 jours de marche dans des paysages bien différent de ce qui les attendent plus haut. Montant de cols de plus de 3’300m et descendant des rivières par des pont suspendus à 1’800m, la poignée de trekkeurs s’obstinant à parcourir ce trek dans son intégralité ont l’opportunité de découvrir un autre visage du Népal.
Shivalaya- Everest: GR5 revival ?
En lisant les premiers chapitre de 20kmh.net, vous pourrez constater que mon expérience sur le GR5, trek allant du lac Léman à la Mer Méditerranée, m’a laissé de souvenirs très forts et imperissable. C’est donc naturellement que je m’attendais a retrouver les mêmes sensations dès mes premières foulées himalayenne. Mais ce n’est pas tout à fait le cas. Alors que je me prépare à avaler les étapes en un rien de temps, sautant de village en village comme si j’étais chaussé de bottes de sept lieux, je réalise qu’il me faudra quand même un temps d’adaptation. Il est vrai qu’il y a deux ans dans les Alpes, il m’avait fallut presque cinq jours pour me faire arriver au top de ma forme. De plus, ici, ce n’est pas les alpes. Il est vrai que cette première partie de trek ne dépasse pas les 3550m, mais cela fait longtemps que je n’ai pas utilisé mes jambes de cette manière, du coup, la première étape est relativement longue et difficile. Un rythme plus lent, voilà ce qu’il me faut! Savourer le temps présent, profiter de chaque panorama, saluer chaque villageois et plaisenter avec les enfants, véritables âmes de ces premières montagnes. Après tout, j’ai le temps, et qu’importe, dans 10 jours ou dans 20 jours, l’Everest sera toujours le même.
Et là, Miro est arrivé…
Lors de cette première journée je fais de nombreuses rencontres, dont certaines seront decisives. La première se fait à Thodung à 3’000m, au-dessus du premier col du trek. Je tombe par hasard sur une vieille ferme et son propriétaire. Dents en moins, vêtements sâles et déchirés, cet homme est pourtant d’un accueil exemplaire. Pour trois fois rien, il m’allume un feu et me fais du thé et une chapatti. Sa fille d’à peine un an déambule parmi les animaux cinq fois plus grand quelle. Avant de partir, je garnis les poches de fromage »de nack », la femelle du jack, que je paye gracieusement pour les remercier. A peine remis de cette rencontre hors du temps, je m’arrête dans le prochain village pour y manger un Dal Bhaat, plat national de riz et lentilles. Tout d’abord, je négocie le prix du plat à la baisse comme cela se fait toujours, puis, en attendant ma pitence, je mets à jour mon journal. Quand la propriétaire du petit restaurant lodge me voit faire, elle me demande quelle est ma profession. Tout de go, je réponds sourire aux lèvres que je suis écrivain. Lassé de répéter à chaque fois le même discours, il m’arrive souvent de m’inventer de nouvelles vies. Sa réaction est immediate: » Great. Today, everything is free for you. Please, note my lodge name in your book ». Ainsi, après avoir négocié mon repas à la baisse un peu plus tôt, je me trouve en train d’implorer la dame pour qu’elle me laisse payer ne serai-ce que mon thé. Rien à faire, elle veut rien lâcher, je ne dois rien payer, mais lui faire une pub gratuite et d’enfer dans mes écrits. Ainsi, je t’implore, ô lecteur, de te rendre à Bhandar, au Shoba Lodge. Si tu ne le fais pas, mon karma risque gros!
Alors que je termine ma première étape et arrive dans la petit bourgade de Kinja, je rencontre une belge de trente ans qui marche avec un sac rikiki. Je l’envie, c’est une pro (ou une inconsciente selon certains) de partir trekker plus de 15 jours avec un sac d’à peine 5kg. Et moi qui était fier d’avoir qu’un sac de 10kg! Ce premier soir, au lodge que nous avons choisis parmis la floppée d’auberges disponibles dans ce village, je mange un met que je ne me serai pas attendu à déguster de si tôt: des Roestis! C’est pendant que mes papilles frémissent de plaisir que jaillit dans mon champ de vision l’incarnation même du Yeti !
Démarche claudiquante, taille impressionnante, peau bronzée, bouche sevère cachée derriere une barbe et chevelure assez garnie pour, une fois tondues, remplace la laine de yack utilisée dans la confection des pulls-overs népalais. L’individu s’approche dangereusement et heurte une chaise de son fémur en passant au niveau de notre table. Il s’arrête un moment, entame la conversation en reprenant sa marche hyperactive tout autour de notre table: « Are you going Everest Base Camp? » À peine avons nous répondus qu’il enchaîne: « I know Nepal good. Came here 30 years ago ». Ainsi, je fais la connaissance de Miro, alias Babaji ou Yeti, qui fondera une des équipe de trek les plus souriante et énergique de ce parcours.
Après quelques minutes de conversations, à moitié hypnothisé par les mouvements incessant de ce géant, j’apprends que Miro est slovène, a 60 ans, et que durant la fin des années 70, il a fait partie de plusieurs expéditions slovènes au Makalu (8’463m, le 5ème plus haut sommet, ainsi qu’aux Gasherbrum I et II (11ème et 13ème sommet) situés au Pakistan et est chaque fois arrivé au sommet. Il effectue actuellement un pèlerinage jusqu’au camp de base du Makalu, en mémoire d’un cousin membre des mêmes expéditions, décédé il y a quelques années. Quand je lui dis que je suis passé par l’Aconcagua, son visage s’eclaircit légèrement: il y était il y a 6 ans et est parvenu au sommet en un seul coup, en partant seul du camp de base. Cet homme, c’est un dur! Aussi rapidement qu’il est arrivé, Miro repart d’où il est venu, vers le l’autre extremité du village.
Après avoir fini mes roestis, toujours un peu sous le choc de l’ouragan Miro, je décide de laisser la belge à sa tarte aux pommes et de profiter des dernier rayons de soleil pour me balader dans le village. Situé entre deux ponts suspendus, au fond d’une vallée ensoleillée, Kinja est articulé autour d’une allée principale bordée par une vingtaine de maisons en pierres, la plupart pouvant servir de lodges lors de la haute saison. Alors que la nuit s’installe peu à peu, je vois Miro installé à une table d’un autre lodge en compagnie de deux jeunes filles; je m’approche afin de voir avec qui cet homme peut bien friquotter. Me voyant arriver, Miro se lève aussitôt, me lance » I go to bed, I leave you with my americans daughters ». Une fenêtre dans sa barbe laisse deviner un sourire.
Ainsi, je fais la connaissance de Kesa et Caitlin. Du Montana aux États-Unis, elles contrastent avec toutes les touristes américaines aperçues en Amérique du Sud et au Laos. Pas d’accent énervant mais ton calme et posé, allure décidée et volontaire, mais avec le second degré necessaire pour passer des soirées à rigoler. Et puis surtout, elles ne se stérilisent pas les mains au gel désinfectant après chaque effleurement avec un enfant du village comme le fond tant de leurs compatriotes et elles mangent du fromage même s’il n’est pas emballé sous célophane. Aussi, il faut l’avouer, elles sont jolies et amicales. Quand elles m’annoncent que le lendemain elles comptent partir en même temps que « babaji », c’est à dire à 6h, j’affirme que c’est exactement à cette heure-ci que je voulais mettre les voiles…Bien sûr ce n’était pas le cas,et dire que je me croyais matinal en me réveillant à 7h!
Au soir, je ne voyais aucun inconveniant à me lever tôt, mais au petit matin, c’est une autre histoire. Je décolle finalement que vers 6h45, en espérant que les foulées du Yeti et de ses »filles américaines » ne seront pas trop rapides pour moi, je me mets en route à rythme soutenu. Heureusement, en une heure je les rattrape et Kesa, Caitlin et Miro affichent un grand sourire en me voyant arriver. Cette matinée de marche est l’occasion de faire plus ample connaissance. J’apprends ainsi que les deux filles ont rencontré Miro dans le bus qui les a menées de Kathmandu à Shivalaya. Depuis, cela fait deux jours qu’ils marchent ensemble. Mon arrivée leur fait du bien, car des fois elles trouvaient le temps long avec leur compagnon de marche qui marmonne sans cesse dans sa barbe des paroles incompréhensibles. J’apprend aussi que Miro voyage plus de 6 mois par an depuis qu’il est à la retraite après une carrière d’ingénieur métallurgique. Kesa et Caitlin ont obtenu leurs bachelor respectivement en sociologie et en études internationales. Après plusieurs mois de petits boulots, elles profitent de leurs économies pour voyager en Inde et en Asie du Sud Est. Bien que voyageant chacunes de leurs côtés, elles ont décidées d’unir leurs efforts pour ce trek. Dans trois semaines, leurs chemin se sépareront, Kesa retournant en Inde et Caitlin restant au Népal pour travailler 3 mois pour le WWF.
Miro’s children: équipe au complet!
L’étape du jour est une des plus longue et plus sévère en termes de dénivelé. De Kinja au col de Lamjura Là à 3’550m, il y a presque 2’000m de montée. Comme nous avons commencé tôt, la chaleur est supportable et les rodondindron en fleurs nous abritent du soleil. Alors que nous faisons une pause après avoir déjà parcourus plus de 1’000m, nous rencontrons deux jeunes qui sortent tout juste de leur auberge. La fille, maquillée, et le gars avec un sac à dos gros comme une valise entament la conversation. 21 et 22 ans, Georgia est australienne, et Callum néo-zelandais. Ils vivent à Londres mais voyagent en Asie depuis quelques semaines et ont décidé de tenter l’expérience de la marche. Tous deux n’ont jamais fait de treks, et s’y prennent de manière assez particulière. Ils trimballent par exemple des milliers de trucs inutiles comme une floppée de pantalons et t-shirts(nous autres nous en avons deux, si ce n’est qu’un, articles de chaque), du parfum, un jeux d’échec…etc. mais malgré tous ces kilos superflux, aucun d’eux n’a de carte! Callum est Georgia sont néanmoins extrêmement sympathiques et ne se plaignent de rien. Ainsi, ils sont les bienvenus dans notre compagnie, et ensemble nous reprenons la route vers le Lamjura La.
Miro, Kesa, Caitlin, Georgia, Callum et moi: ça y est la Miro’s teams est au complet! Ensemble nous irons loin!
Je n’avais pas prévu marcher avec les mêmes personnes tous les jours, je pensais plutôt croiser des gens, partager des soirées dans les lodges avec divers groupes, et basta. Mais ce qui se passe après seulement deux jours de marche est assez improbable. Cette rencontre avec quatre autres trekkeurs indépendants (sans guide ni porteurs) de mon âge, au même rythme, avec qui j’ai des points communs mais aussi de nombreuses différences rendra l’expérience de ce trek encore plus riche et comique. Et bien sûr, le personnage de Miro est unique en rajoute un côté irréel à l’expérience. Vite, il devient le pilier central de notre groupe. Tel un gourou, il est notre emblème et nous présente comme ses enfants dès qu’il en a l’occasion. Sans prendre le risque de le dire à voix haute, nous esperons tous que notre groupe restera ainsi constitué jusqu’au terminus: le camp de base de l’Everest (sans Miro bien sûr qui partira en direction du Makalu quand le sentier l’ordonnera).
Les étapes, nous les arrêtons aux alentours de 15-16h, ce qui nous laisse le temps de nous reposer et de profiter du village et du lodge. Dans cette première partie du trek, les lodges sont très familiaux, alors qu’après Lukla ceux-ci seront plus grands et moins intimistes. Les chambres et dortoirs se trouvent généralement à l’étage, tandis que quelques tables et chaises se situent au rez-de-chaussé, parfois dans la cuisine. Ainsi, nous mangeons nos patates sautées ou soupes de nouilles discutant avec les femmes-cuistos qui font toute la cuisine au feu de bois, sur un immense foyer qui permet de placer trois ou quatre casseroles sur le même feu! Les enfants sont souvent nombreux et Miro s’en donne à coeur joie: il adore leur courir après pour leur secouer leurs chevelure de ses grosses mains! La décoration des lodges est un peu particulière en cette première partie de trek. Après Lukla, en plein pays Sherpa, les murs seront ornés de diplômes d’écoles d’escalade, et souvent de clichés pris par le maitre des lieux depuis le toit du monde! En revanche, au J3, nous trouvons le summum du mauvais goût: des posters super »photoshopés », représentant des bébés européens maquillés jouant dans l’herbe et tous sont munis d’une légende ridicule qui reflète pourtant la niaisérie de la photo. L’un d’eux nous fait rire toute la soirée: un bébé faisant la moue assis dans un grand paquet cadeau et portant un chapeau conique que l’on trouve pendant les carnavals. La légende, écrite dans toute les couleurs dit: »sorry, let me enjoy ! » Kesa en est fan.
Partout où nous allons, Miro fait sensation. Les quelques trekkeurs que nous croisons nous demandent qui est cette personne étrange qui ne parle qu’à nous et à lui même! Peut être que Miro fait un peu peur à ses compères occidentaux, mais il s’entend incroyablement bien avec les locaux. Dans de nombreux villages, il nous montre une maison en nous disant. » Thibault lodge very good. Friend of mine lived here 30 years ago ». Il nous fait aussi découvrir des spécialités de la région, comme le porridge de tsampa, sorte de purée brunâtre que je mangerai tous les matins tant celle ci est nourissante. Et puis, il y a le Chang, bière locale faite à partir de millet fermenté et chauffée auprès du feu. Chaque maisonnée en a un d’un goût différent. Avec Callum, on en prendra une tasse tous les soirs.
Finalement, quand Miro nous annonce, après 4 jours, que son chemin pour le Makalu continue à l’Est tandis que nous bifurquons au Nord, nous sommes chagrinés de le voir s’éloigner. Heureusement, si tout va bien, je le reverrai en Slovénie cet été.
A peine l’avons nous quitté que nous faisons nos premier pas dans la vallée de le rivière Dudh Koshi, que nous allons remonter vers sa source, en direction de l’Everest. Fini les montées et descente cassantes, à partir de maintenant c’est une pente longue et sans interruption qui se presente à nous, et celle-ci nous fera monter très haut, jusqu’à 5’550m. Aussi, fini les journées à croiser qu’une poignée d’autres trekkeurs, en dépassant Lukla, le nombre de marcheurs augmente de manière dramatique! D’ailleurs, en nous pointant du doigt les avions dans le ciel se rendant à Lukla, Miro annonçait souvent avec un sourire destiné à Caitlin et Kesa: »Lukla plane: full of fat americans and germans people! ». Dieu sait ce qui nous attend….