Chapitre 28: La Turquie, à la chinoise
C’est par la petite porte que j’entre en Turquie. Des crampes d’estomac et une migraine naissante me font office de comité d’accueil. Dans le foutoir de la douane de Sero-Esendere, je peine à trouver un officier suffisamment gradé pour tamponner mon passeport. Quand je suis enfin en règle, Hayrettin, jeune turc ayant appris l’anglais à New York me propose de prendre un van avec lui pour la ville de Van (notez la vanne), à 150 km. Je suis fatigué, hors-combat. Le simple fait de monter dans ce minibus me semble un exploit, et que dire quand il s’agit de caser le vélo entre les jambes des occupants. Je regrette un peu d’avoir jeté l’éponge tant les paysages qui défilent derrière ma vitre sont grandioses et différents de ceux d’Iran, mais quand je sens le van qui peine dans les montées, je me dis que tout ce que j’aurais fait en restant sur la route, c’est de laisser mon mal s’installer et continuer à m’affaiblir. Avec tous ces kilomètres qu’il me reste, c’est pas maintenant que je dois commencer à faiblir!
Van
Située à l’extrême Est de la Turquie, au bord d’un immense lac, cette ville de 400’000 habitants me permet de renouer avec quelques plaisir oubliés: je peux de nouveau contempler des femmes non-voilées, manger un Burger King, boire une bière. Mais mon arrivée dans cette ville poussièreuse et en partie détruite par un tremblement de terre il y a sept mois, est aussi difficile que mon arrivée en Turquie. Fraichement sorti du bus, un mal de tête qui m’empêche de penser de façon lucide et un mal de ventre qui m’oblige à marcher plié en deux, je me mets à la recherche d’un endroit pour passer la nuit. Il me faut plus de deux heures pour trouver un hôtel. Certains sont détruits, les moins chers sont complets. À chaque fois qu’on me remballe, je suis à deux doigts de craquer et de m’allonger sur le trottoir. Finalement, c’est l’hôtel Ipek qui m’ouvre ses portes, pour 15 francs la nuit. Lavé, changé et reposé, tous ces deboirs sont oubliés. Au diable les kebabs, ce soir je pars soigner mon mal de ventre au Burger King de la ville!
En me baladant dans Van, je me rends compte que je vais devoir me remettre au diapason et reapprendre les règles de savoir vivre occidentales. Je ne passe plus inaperçu quand je m’enfonce les premières phalanges de mes doigts dans le nez pour y déloger ce qui si trouve, et encore moins quand je me racle la gorge bruyamment pour faire sortir par la bouche ce qui n’a pas voulu venir avec l’index. Heureusement, j’ai une motivation particulière, les femmes kurdes sont très jolies. Un air ténébreux et un charme naturel qui diffère du style des iraniennes, trop maquillées et dieu sait comme je déteste le maquillage (et surtout quand il est tartiné comme si c’était du beurre). Cette beauté, je n’en profiterai malheureusement qu’à distance: je reste observateur.
À Van, je suis aux premières loges des manifestations qui animent le centre-ville en ce moment. En plein Kurdistan turc, la ville est le théâtre de nombreuses contestations et manifestations. D’après ce que j’ai compris, un militant kurde a été abattu par des policiers il y a quelques jours, et des regroupements populaire ont lieu tous les jours sur les marches de l’hôtel de ville. Avec ces cars blindés de l’armée, ces policiers en armures prêts à saisir leur mitraillette au premier signe d’agitation, on se croirait en plein G20. Je me prends pour un grand reporter quand je me joins à la foule avec mon appareil photo, en espérant capturer une image choc d’affrontements entre civils kurdes et policiers turcs. Heureusement, tout reste pacifique, et les policiers sont contraints de boire du thé toute la journée à cause du »bon comportement » des manifestants. Le scoop, se sera pour la prochaine fois.
Pibin
Deux nuits de dix heures, quelques kebabs, deux burgers, une bière et un match d’ouverture de l’Euro plus tard, je monte en selle en direction du port de la ville. Personne ne sait quand le bateau qui traverse le lac d’est en ouest arrivera, ni quand il partira. Je profite du fait qu’il va »peut-etre » arriver »plus tard » pour aller visiter les ruines du fort de la ville perché sur une butte rocheuse, guettant en permanance l’arrivée eventuelle du navire sur ce lac vide de toute autre embarcation. Quand celui ci s’approche du petit port de la ville, je quitte mon perchoir de pierre et retourne vers le debarcadaire. Le navire est là et décharge ses wagons (!) de marchandise. La locomotive pousse les wagons jusqu’au bout du quai et ceux-ci continuent, seuls, leur route jusqu’au fond du bateau où il s’en vont butter dans un fracas de tôle et d’acier.
Il y a très peu de passagers, 4 ou 5. J’en repère tout se suite un grâce à … son vélo! Chargé de diverses sacoches: il n’y a pas de doutes possibles, c’est un autre cyclo !! Il s’appelle PiBin, il est chinois, il a 26 ans est surtout, il va aussi vers l’Europe!
Nous passons les cinq heures de traversé à faire connaissance et à plaisanter, seuls dans cette immense salle remplie de sièges pour passagers. Les trois capitaines du navire viennent aussi nous faire la causette et nous demander comment on trouve la Turquie, si ce n’est le Kurdistan. Parfois, c’est nous qui allons tenir la barre.
PiBin à un itinéraire assez étrange. Il est parti du Nord de Pekin il y a 10 mois, a pédalé à travers son pays jusqu’au point où le Kazakstan, la Mongolie et la Russie se rejoignent pour ensuite voler vers Moscou. De là, il gagne l’Europe via la Finlande et la Suède en plein hiver. Arrivé en Espagne, il retourne en arrière, au Sri Lanka pour tenter d’y décrocher un visa pour la Grande-Bretagne : ça ne marche pas. Depuis Colombo, il rejoind le Sud de l’Iran en avion. Depuis, il pédale à nouveau vers l’Europe, via la Turquie, espérant trouver une ambassade qui lui décernerai un visa britannique. En effet, PiBin doit à tout prit l’obtenir car il a des billets pour aller assister aux J.O de Londres. Pour l’instant, il totalise ainsi plus de 13’000km. Ces précédants voyages l’ont jusqu’alors toujours mené au Tibet qu’il connaît bien pour y avoir totalisé environ 7’000km. Comme il bosse pour une marque de vélo chinois, il est même légèrement rémunéré contre un peu de pub et des photos.
Nous décidons de nous risquer dans un duo sur quelques kilomètres. Cette compagnie tombe bien, en quittant l’Iran j’ai aussi quitté Jack Bauer en terminant le dernier épisode de la huitième et dernière saison de 24 enregistré sur mon iPod. »Shut it down ».
Je mets pibin au courant concernant le championnat d’Europe de foot. Il est partant pour regarder les matchs du soir: Danemark- Hollande et Allemagne-Portugal.
Alors qu’on met le pied à terre, le café des travailleurs du port, sur le quai laisse percevoir des reflets verts depuis sa fenêtre: il y a une télévision allumée, et c’est le premier match de la soirée qui y est diffusé. Sans attendre, on s’installe pour deux heures et demie et quatre buts à une table de ce petit café, à boire çay sur çay. Entre les deux matchs, on s’octroie une pause pour aller manger un kebab dans la ville puis après le match, vers minuit, nous plantons nos tentes à coté du poste de garde du port. Avant de me coucher, je me felicite de ce 100% : j’ai suivi les quatres match de l’euro joués jusqu’à present!
C’est Turquie mon kiki!
Après avoir pris un petit déjeuner super bon avec notre ami le sécuritas, puis joué avec son pistolet qu’il nous prête le temps de faire joujou, on se lance dans nos premiers kilomètres sous le signe de l’amitié franco-chinoise. Je suis content d’entamer la traversée du pays avec ce nouveau compagnon. Avec quelqu’un, les journées passent toujours beaucoup plus vite. De plus , en faisant route commune avec un autre voyageur qui a de nombreux kilomètres dans son dos, on apprend beaucoup de chose. Avec une personne qui a sa propre expérience et qui voyage indépendamment , il n’y a pas ce petit sentiment de responsabilité. Il fait ce qu’il veut, je fais ce que je veux, et temps que nos désirs et nos objectifs restent communs, on pédale ensemble.
PiBin organise ses journées différemment et approche les gens d’une autre façon. On se lève à 7h30, et on part que bien après 9h quand les tentes sont aerées, pliées et les vélos chargés. Comme PiBin pédale sans chapeau ni lunette de soleil, il soufre de la chaleur. Quand on s’arrête dans un kebab ou une station Service pour manger vers midi, il faut vite enchainer avec une sieste pour laisser passer les heures les plus chaudes de la journée. On recommence donc à pedaler que vers les 15h, ce qui raccourci pas mal la journée. En pedalant par presque 50° C dans le Sahara et au Népal, je me suis rendu compte que pedaler dans une chaleur torride me provoque des super sensations (non!! Pas ces sensations gros cochons!). Plus il fait chaud, plus je me sens à l’aise sur la route. Chose étrange car en mode piéton, je déteste quand il fait trop chaud et préfère rester alors à rien faire, à l’ombre. Le changement de rythme que PiBin propose, je l’accepte volontiers, heureux de découvrir une autre façon d’organiser mes journées, d’une façon un peu plus relax. À l’exception du premier jour, nous ne parcourons jamais plus de 85km.
Fermier le fermier
Toujours à l’affût des bonnes affaires, PiBin dort rarement en pleine nature. Il préfère demander aux habitants d’une maison s’il peut planter sa tente dans leur jardin, espérant secrètement être invité au petit-déjeuner ou même au dîner. Après 110km de plat, le seul jour avec un relief si favorable jusqu’alors, nous décidons de demander à planter notre tente dans un village. Aussitôt ce sont une vingtaine d’enfants, tous des garçons, qui se lancent gentillement à nos trousses. Avec un cortège aussi bruyant et chahuteur, il est difficile de trouver l’asile dans une quelconque ferme, nous nous éloignions donc jusqu’à une petite maison en bordure de route. A grand renfort de mîmes, nous faisons comprendre à l’homme de famille que nous voulons dormir sur son territoire. L’homme a un regard sévère, et sa moustache (99% des kurdes en ont une) masque une bouche qui semble ne jamais sourire. Quand on voit tous les enfants qui traînent dans les parages de la maison, PiBin et moi fremissons. Parfois, les gamins sont plus intenables que les chiens!
Nous baissons vite nos gardes. Fermier, l’homme, est… fermier. Les enfants sont sages et assistent paisiblement au montage des tentes en touchant nos vélos que pour les empêcher de basculer quand le vent les pousse. Apres quelques minutes, on réalise que fermier sait bel et bien sourire , pas avec la bouche, mais avec les yeux. Il est tendre et paternel avec ses nombreux enfants. Ses enfants d’ailleurs, ce sont tous ceux de Fermier: il en a onze dont neuf garçons ! Mais où est la mère dans tout ça? Elle se cache en cuisine, en compagnie de sa fille, la cadette, qui l’aide dans toutes les tâches ménagères. Le plus âgé des fils à une vingtaine d’année mais il vit à Istanbul. Leo est le plus âgé ici présent du haut de ses dix-huit ans. Ses rudiments d’anglais combinés à ceux du père nous permettent de communiquer de manière optimale. En leur compagnie nous passons une super soirée.
Nous croyons avoir touché le gros lots quand Leo nous invite à aller voir la télé dans le salon: »spain – italy is about to start! » Malheureusement la parabole ne capte pas la bonne chaîne, et après que PiBin se soit acharné en désespoir de cause sur la télécommande, nous regardons les programmes kurdes. Fermier doit bien avoir une quinzaine de chaînes consacrées à sa cause. Ensemble nous regardons ce clip du PKK montrant de jolies jeunes femmes habillées en traillis verts olives, mitraillette en bandoulière , qui chantonnent des chants patriotiques émouvants. Fermier en a les larmes aux yeux.
Autour du dîner léger que la femme et la fille nous servent à base de pain, concombre, tomate et yoghurt, nous parlons longtemps de la cause kurde. Il ne semble pas avoir de réelle rencoeur envers les Turcs, mais il déteste la police qui leur mène la vie dure. PiBin et moi sommes touché de tant de sympathie de la part de cet homme aux apparence si austère. On est aussi frappé par l’état de servitude dans lequel sont plongées les femmes kurdes et turques que l’on croise dans la campagne depuis l’Iran. Certes, elles n’ont pas toutes le voile, mais ici les hommes boivent du çay tandis que les femmes triment! Pour remercier cette famille, PiBin sort son appareil photo polaroid et développe trois petite photos de la famille assise sur le canapé.
Le lendemain, après un bon petit déjeuner, ressemblant comme deux goutte d’eau au dîner de la veille et une partie de foot avec les enfants, nous reprenons la route avec le sourire.
Sur la route, à deux
En voyageant longtemps, on est amené à répéter de nombreuses fois les même choses :where are you from ? What’s your name? Your profession? Pour me distraire un peu, il m’arrive de changer le discours suivant les personnes. Je me suis fait un petit jeu, le NOP: nom-origine-profession. Le but est de me créer un personnage que je présente aux gens en changeant ces trois données. Nombreux sont ceux qui ont vu défiler un Jack Bauer australien et artiste peintre ou un Yannick Parat jardinier chinois! Ce petit jeu, je le fais dans un bon esprit, et il fait souvent rire mes interlocuteurs quand ceux-ci se rendent compte de la blague. Ca tombe bien car PiBin a le même humour que moi. Lors de sa traversée de l’Iran, quand les gens lui demandent comment il s’appelait depuis le bord de la route, il répondait en criant » Obama!! ». En Turquie, il gardera ce surnom, et me surnommera à quelques oocasions »Sadam »! Sadam et Obama sont sur un vélo…
À mon poignet droit, je porte un bracelet porte bonheur trouvé en Bolivie aux couleurs du pays. Quand les gens de cette partie de la turquie le voient à mon poignet, il s’exclament »kurdistan »! Et d’un coup, les tasses de thé défilent, gratuitement. Je ne l’avais pas remarqué, mais ce bracelet rassemble les couleurs kurdes et pour les gens que je croise, il est comme une marque de respect pour leur cause. Je suis d’emblée leur »amis ». Comme souvent, les souhaits d’independance de cette nation me touchent beaucoup. Cela me rappelle le Sahara occidental et les tibétains de Dharamsala.
En Turquie, contrairement à l’Iran, la campagne est hérissée de minaret, et comme au maroc, la voix du mollah retentit cinq fois par jours. Alors que je pédale derrière PiBin, je réalisé qu’il chante, ou plutôt chantonne en même temps que le mollah de la mosquée voisine. On dirait que c’est sa chanson préférée, et toutes les prières, rebelotte: PiBin se met à chanter. Ça me fait bien rire, surtout que lorsque les turcs lui demandent de quel religion il est, il clame haut et fort qu’il est athé !
Sur la route, nous croisons énormément de véhicules blindés de l’armée qui vont dans le sens inverse. Aux commandes des mitrailleuses sur le toit de ces engins, les militaires nous font de grand coucou. Dommage pour nos tympans, leurs klaxonnes sont surpuissants et ils s’en donnent à coeur joie pour nous encourager. Je me pose quand même des questions, où vont ils? Ils se passe quelque chose à Van ? Je pose la question à un type au bord de la route et il répond avec le sourire: »Israël, bomb ! ». Oula, et moi qui vient à peine de quitter l’Iran! Je m’inquiète: est-ce la guerre? Pour avoir quelques infos, j’envois un sms à ma mère qui m’appelle aussitôt pour être rassuré que j’aille bien. »Oui oui maman, tout va super bien, mais y a t-il la guerre entre Iran et Israël?? ». Les sites d’information ne disent rien. Mystère, peut être que ces dizaines de blindés allaient renforcer la frontière syrienne.
Des fois, je me demande si PiBin n’est pas fou quand parfois, il se met à pousser des cri sans raison apparente. Je le lui dit: »PiBin, you are crazy ». Quand un peu plus tard, il m’entend hurler toutes les insultes de mon répertoire à l’intention d’une voiture m’ayant doublé d’un peu trop près, d’un coup de klaxons assourdissant droit dans mon tympan en guise d’encouragement ou du vent qui souffle trop souvent face à nous, il me dit aussi: »William, you are also crazy! ». Décidément, le voyage, ça transforme!
Les routes turques sont terribles! Hormis cette première journée au relief si miraculeux (presque 80km de plat) tous les jours nous avons à faire à des montées de plusieurs kilomètres. Contrairement à la plupart des pays, la Turquie n’utilise pas le système des lacets. La route est droite à l’infini, et quand une montagne se dresse sur sa trajectoire, celle-ci vient butter contre le relief et la traverse de part en part sans esquisser une courbe sur ses pentes. De plus, les perspectives sont trompeuses, on peut croire n’avoir en face à soi qu’une petite montée d’une poignée de kilomètres, mais après plus d’une heure de pédalage, le sommet semble parfois toujours aussi distant.
Nous peinons, mais heureusement les camions peinent aussi. C’est l’occasion d’initier PiBin à l’art du »truck grabing ». Je lui exlique que lorsqu’un camion particulièrement lent arrive à sa hauteur, il faut qu’il se lance dans un sprint de malade afin d’egaliser les plus ou moins 20km/h du camion pour pouvoir se saisir une partie de la remorque sans être littéralement arraché de son guidon. Si le camion est vraiment trop rapide, ce n’est pas grave, il faut alors qu’il repère le modèle du véhicule et les prises potentielles qu’il lui sera possible d’utiliser sur un autre camion du même type. Une ou deux fois, je laisse PiBin sur place et ride un camion sur un ou deux kilomètre avant de lâcher prise pour l’attendre. Il a vite fait de comprendre les intérêts de cette techniques et, dès lors, à chaque camion un peu faiblard qui arrive, il se me met à pousser des cris: »Oooh! This one !! ». Très vite, comme moi, il parcourera 3 à 5 kilomètres par jour à la force des bras.
Etant justement aggripé, tel une sangsue, sur un de ces monstres, je me dis qu’il va bientôt falloir que je lache si je ne veux pas avoir à attendre mon ami chinois pendant des heures. Alors que je passe à coté d’une équipe d’ouvriers qui travaillent à l’élargissement de la route, l’un d’eux m’interpelle et m’invite à les rejoindre à l’ombre d’une pelleteuse. C’est l’occasion de faire connaissance, je largue donc les ammares et m’écarte de la route pour les rejoindre. Qu’elle n’est pas ma surprise quand je découvre entre les chenilles du véhicule de chantier un grand plat de poulet aux allures de tajine. Les ouvriers sont heureux que je me sois arrêté et me serve d’emblée un Fanta. Ils ont finit de manger et me propose de prendre le relai et de finir le plat. Je n’hésite pas une seconde et le jette sur la nourriture. Quand PiBin pointe enfin son nez, je l’attends avec un verre de coca et lui montre ce qui l’attend. Là il exulte carrément et c’est fou de joie qu’il englouti le reste de ce poulet si délicieux sous les regards amusés des travailleurs. Quand nous remontons sur nos vélos, PiBin est très satisfait de la journée: »free diner yesterday with Fermier, free breakfast and now free lunch. Very good! »
Euro 2012
Début juin, j’enviais un peu mes camarades de Lausanne. Pendant leurs révisions, ils vont sûrement pouvoir assister à de nombreux matchs de l’euro-foot. Et tandis que Fred, Aruran, Fabien et Grégoire sortiront de la bibliothèque pour aller supporter la France au Great Escape, préférant une bière à leurs livres de droit ou de médecine, je serai sous ma tente à attendre l’envoi d’un sms de mon frère pour me tenir au courant du score.
Mais non! PiBin a aussi envie de suivre ces matchs, et du coup, tous les soirs nous ‘nous arrêtons devant une habitations, une tea house ou une station service. Finalement, c’est un verre de çay à la main qu’on arrive parfois à regarder les deux matchs de la soirée. Bien sûr, pour mettre un peu de suspens, on parie des bières sur le résultat de ces matchs. Bières fictive qu’on cumule ou qu’on annule car dans cette région de Turquie il est difficile d’en trouver.
Parcs et hamam
Pour avancer, il faut souvent une carotte. L’une des carottes des plus efficace est la perspective d’une couche chaude. Nous élisons la ville de Malatya pour y faire un hamam traditionnel. Arrivant en ville après plusieurs jours d’efforts en plein soleil, nous débarquons en caleçon dans le hamam qui nous a été indiqué par les passants. On décide de s’offrir la totale: massage, savonage, recurage, des orteils aux cheveux. Frottés par le masseur avec un gant spécial, notre corps est comme ponçé, et ce sont des boulettes de peau qui se forment sous les gants du masseur, à sa grande surprise. Quand le service est terminé et qu’on est enfin vraiment propre, on sort de l’établissement lessivé. Il fait nuit, et comme la ville est grande nous décidons de dormir intra-muros, dans un des parcs. PiBin à l’habitude e faire ça et je le suis. Il négocie avec les gardiens du parc deux emplacements près de leur local. Les gardiens ont l’air un peu louche, mais ils sont heureux de nous recevoir. Ils me proposent du cay et gardent nos vélos dans un local fermé à clés. Pour nous aider à nous endormir, ils allument le spot placé juste au dessus de nos tentes et refusent de l’éteindre. Il est plus de minuit, et on est si fatigués que celui ne s’avère pas si dérangeant.
Quelle bonne nuit! Propre, en lieu sûr, avec la perspective d’une graçe matinée! Mais voilà à 5h, un des gardes, celui à l’air le plus patibulaire, secoue ma tente et crie: »come, come, come! ». J’essaye de l’ignorer, PiBin en fait autant, mais nous sommes obligé de nous arracher de morphée pour aller voir ce que nous veut le bonhomme. En fait, il veut simplement que l’on dégage! La tête dans le cul, on remballe tout en maugreant toutes sortes de sales paroles dans nos langues respectives.
Ça tombe bien car ce jour-ci nous avions prévu le passer à faire du stop. PiBin doit se dépêcher pour arriver à Londres pour les J.O., et moi je veux être à Istambul pour mon anniversaire le 26 juin et de retour début Août à Lausanne. On décide donc de zapper les 300km de montagne entre Malatya et Kayseri et de profiter du temps gagner pour visiter la Cappadoce. Nous avons pédalé 20km quans un pick-up s’arrête enfin. On installe les vélos à l’arrière et à peine sommes nous installés sur les sièges que nous nous endormons… pour être réveillé 30minutes plus tard! Au milieu d’une monté, loin de tout, le chauffeur nous dit qu’en fait il doit faire demi tour et nous laisse sur-place, à 15km du premier coin à l’ombre sur cette route peu fréquentée. Après une heure et demi d’attente,sans avoir eu le courrage de pedaler, nous arrêtons une camionnette qui nous déposé directement à kayseri. Installés à l’arrière avec nos vélos, nous mangeons un peu de la viande séchée que m’a ramené Daniel, nous profitons des 4 heures de route pour rattraper nos heures de sommeil.
Il est 7h30 quand nous arrivons dans la ville, et nous apprenons avec joie que le match France – Ukraine qui aurait du débuter à 7h est reporté d’une heure. En une demie heure, nous nous trouvons un kebab avec télévision et visionnons le match avec nos amis turcs qui attendent le coup de sifflet final pour fermer leur restaurant.
De nouveau, il est tard quand nous voulons trouver un lieu où dormir et l’option du parc au milieu de la ville reste la meilleure. Cette fois-ci les gardes sont plus sympathiques, et on se dit que c’est gagné, on va l’avoir cette grasse-matinée! Et bien non! Le lendemain, 5h, le garde nous réveille tout sourire en nous ordonnant de partir. De sacré mauvaise humeur, je remballe ma tente et pose mon matelas et mon sac de couchage sur une table de pique nique où je finis ma nuit. On aura compris la leçon, les parcs turcs, c’est pas fait pour dormir!
Le lendemain, après presque 700km en Turquie en compagnie de PiBin, nous arrivons à Gorëme, au coeur de la Cappadoce. Villes souterraines, vallées rosées taillées comme des meringues et Demoiselles d’Euseigne monumentale, voilà ce qui vous attend dans le chapitre 29…