A la découverte du monde à 20km/h…

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Chapitre 12: Teranga sénégalaise

Premiers instants sénégalais

Après trois semaines de désert, le vert du Sénégal est le bienvenu. Le premier barrage de police m’annonce néanmoins la couleur : ce n’est pas avec les autorités que je ferais ami-ami, celles-ci étant bien plus austères qu’en Mauritanie !

En me dirigeant vers Saint-Louis, je rencontre aussi beaucoup plus de monde, les villages que je traverse étant toujours plus peuplés et animés. Les maisons en terre et les huttes ont remplacé les tentes des nomades : changement de décors !

Mes premiers kilomètres sénégalais se font en compagnie d’Aliou. Il s’agit d’un jeune sénégalais de 16ans, parti faire une course à 40km de chez lui sur son vieux VTT. Ensemble, nous parcourons une trentaine de kilomètres, nous arrêtant de temps en temps à l’ombre d’un arbre ou dans un village pour remplir nos gourdes. Aliou est très mature pour son âge. Issu d’une famille pauvre, il sait que la seule clé pour évoluer et sortir de sa condition est l’éducation. En fin de journée, nous nous séparons. Merci Aliou d’avoir accompagné mes premiers coups de pédale au Sénégal !

A l’heure du bivouac, je renoue avec les précautions élémentaires pour ne pas être repéré. Dans le désert, je ne pouvais pas trop me cacher, et je m’en moquais, mais là, je ne veux pas être importuné par les curieux d’un possible village voisin ou par quelques voleurs de vélos pendant la nuit. Ainsi, je m’élance d’un coup hors de la circulation pour rejoindre un petit bosquet à 500m de la route. Une fois à l’abri de la végétation, j’attends l’arrivée de la nuit pour monter ma tente. En attendant, j’écris dans mon carnet et je prépare  mon repas du soir. Barrero, mon collègue cyclo-espagnol qui aimait beaucoup la discrétion serait fier de moi (cf. chap 2) !
J’aurais certainement pu « trasher » et arriver à Saint-Louis le soir même, mais je tenais à faire connaissance avec la terre sénégalaise via cette première nuit à même le sol. Ce que je n’avais pas pensé, c’est d’être si vite présenté aux moustiques locaux. Aussitôt la nuit tombée, ils pullulent autour de ma tente ! Je finis ma platée de pâtes en quatrième vitesse, temps pis pour la vaisselle, je la ferais demain à Saint-Louis !

Saint-Louis

M’étant couché à une soixantaine de kilomètres de Saint-Louis, la ville exerce dès le matin son pouvoir d’attraction. Je ne prends pas mon petit-déjeuner, comme je le fais d’habitude, à proximité du campement après avoir rangé mes affaires. Cette fois-ci je charge mon petit paquet de céréales sur ma sacoche de guidon et les manges tout en roulant. Expérience concluante, j’arrive à effectuer 10km de la sorte !

Peu à peu, le nombre de voiture s’accroît, les foules sur le bord des routes sont toujours plus denses, les nids de poules encore plus profonds, et soudain le fameux Pont Faidherbe ! Tel une Tour Eiffel couchée en travers du fleuve Sénégal, ce long pont métallique me permet de rejoindre l’île de Saint-Louis où je vais séjourner cinq jours.

Cette ville est parfaite pour l’acclimatation à l’Afrique Noire. Après plusieurs semaines de Maghreb me voilà réellement dans le vif du sujet. J’entre dans un autre monde, mes yeux sont grand ouverts, c’est la découverte totale. Je suis certes déjà allé en Afrique du Sud et au Kenya, mais de par mon mode de transport, je me trouve complètement immergé dans la culture et la société sénégalaise et les rencontres se font nombreuses.

Aussitôt arrivé sur l’île de Saint-Louis, je m’installe à la terrasse du premier café venu pour finir mon petit-déjeuner. En forme et de bonne humeur je me dirige ensuite vers l’auberge de jeunesse de la ville où je vais poser mes sacoches pour quatre nuits.
L’adjectif qui correspondrait le mieux à la ville de Saint-Louis  est PAISIBLE. En effet, dans cette ville terminus de l’aéropostale, on est loin de la vie trépidante et stressante de Dakar la capitale ! Pendant ces quelques jours, je fais la connaissance de Julien et Marie deux jeunes français, futur étudiants en sociologie à l’université de la ville. Par leur intermédiaire, je découvre les joies de la bureaucratie sénégalaise. En effet, chaque matin je les verrais partir sur le campus afin de tenter de décrocher un logement, mais surtout de connaître la date de la rentrée scolaire qui est imminente !

Julien est présent sur place depuis déjà plusieurs jours, du coup c’est lui qui me fait visiter la ville. Ensemble nous rencontrons plusieurs personnes sympathiques. Aziz par exemple, qui tient une petite boutique de bijoux et de sculptures, nous invite tous les soirs à venir faire une partie d’Azalée devant son magasin. Avec un autre Aziz, nous allons boire un verre en attendant un concert qui ne viendra jamais au Quai des Arts. Finalement, avec les personnes gravitant autour de l’auberge, nous passerons des heures à parler de la politique et de l’avenir du pays. Les élections présidentielles de février prochain préoccupent : Wade va-t-il oser se représenter ?

Après ces quelques jours de repos, je prends une dernière fois la route pour…

Dakar

260km me séparent de mon terminus. A l’origine, je voulais les savourer et prendre le temps de m’arrêter dans les villages et de bivouaquer sur la route entre les baobabs. Mais Dakar m’attire ! Comment flâner en étant si près du but ? Le pouvoir d’attraction de Dakar est trop fort, j’y arrive en deux jours. Ces derniers kilomètres du parcours sont marqués par les sourires et les marques de sympathie des gens que je croise sur la route. La Teranga sénégalaise, cet art de l’accueil, je l’expérimente aussi en route. A Louga, alors que je cherche une gargote pour ingurgiter une platée de riz, Ibrahim, un enseignant de l’école de la ville, m’invite dans sa demeure pour partager son repas.

L’arrivée sur Dakar est digne d’un rodéo urbain. Les voitures foncent, se doublent, me frôlent, la route est étroite. Tel une barque dans une mer agitée, je lutte pour ne pas chavirer. Chaque cinq secondes, quand un camion me dépasse au quadruple de ma vitesse, la masse d’air qui le suit me percute, me chahute, me fait perdre le nord pendant quelques instants. Aussitôt je m’emploi à redresser la barre, si je m’éloigne trop de mon cap, la prochaine déferlante risque de me frapper de plein fouet ! Je tiens bon, je ne chavire pas !

C’est sportif d’arriver ainsi dans une mégapole ! De plus, la poussière dégagée par ces monstres ambulants me bouche les narines, me pique les yeux. Je trouve la solution en enroulant mon chèche autour de ma bouche et en enfonçant mon chapeau jusqu’à mes lunettes de soleil. Ainsi vêtu, je m’amuse à fixer les gens sur le bord des routes qui détournent aussitôt les yeux ! Je fais peur, on me laisse tranquille !

Finalement, après 80 jours de vélo et plus de 5’600km de vélo à travers la France, l’Espagne, le Maroc, le Sahara Occidental, la Mauritanie et le Sénégal, je dépose mes sacoches dans la cour de la famille Diallo, ma famille…

à suivre …

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